
Cet article suppose connue la notion de suite réelle convergente (ou, plus généralement, de suite complexe convergente).
Si nécessaire, on pourra consulter les sections 4 et 5 de l’article Comment étudier une suite ? ainsi que la section 1 de l’article Initiation aux suites de Cauchy.
Une certaine familiarité avec la notation est également nécessaire. L’article Manipulation de sommes à l’aide du symbole Σ doit permettre d’y remédier, en cas de besoin.
Lorsque vos connaissances sur le thème des séries numériques commenceront à être en place, des exercices corrigés vous attendent :
Fiche d’exercices n° 1 ; Fiche d’exercices n° 2 ; Fiche d’exercices n° 3
1 – Préliminaires & Notations
A toute suite complexe on peut associer la suite
définie par :





Deux questions se posent :
- La suite
est-elle convergente ?
- Si oui, quelle est sa limite ?
En cas de convergence de la suite vers un nombre complexe
cette limite est notée :

Bien entendu, l’indexation ne démarre pas obligatoirement à 0 : on peut s’intéresser à la série et noter
sa somme (en cas de convergence).
Dans de nombreux cas, il est possible de connaître la nature d’une série (c’est-à-dire : savoir si elle converge ou non). Il est, en revanche, assez exceptionnel que l’on puisse calculer explicitement la somme d’une série convergente, même si l’expression de est assez simple.
Par exemple, la somme de la série convergente a été obtenue par Euler, près d’un siècle après que la question se soit posée (c’est le célèbre problème de Bâle). Après avoir développé une méthode d’accélération de la convergence (la célèbre formule d’Euler-MacLaurin), Euler observa que les développements décimaux illimités de cette somme de série et de
semblaient coïncider, tout au moins sur une vingtaine de décimales. Il démontra en 1735 l’égalité :


En revanche, aucune formule explicite n’est connue à ce jour pour le nombre
Quant à la série , on se sait même pas si elle est convergente ou divergente !
Terminons cette introduction en définissant le reste de rang d’une série convergente. Il s’agit de
, c’est-à-dire :

2 – Séries géométriques
Etant donné un nombre complexe , il est connu que pour tout
:





Illustration dynamique
L’illustration dynamique ci-dessous fournit une interprétation visuelle des premières sommes partielles d’une somme géométrique. La raison varie dans
. Par conséquent, la somme
varie entre
et
; elle est représenté par le rectangle bleu-ciel. Les termes successifs qui composent la somme partielle
3 – Développement décimal d’un réel
A la manière de Mr Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, nous manipulons des séries convergentes depuis le collège !
En effet, lorsqu’on écrit le développement décimal illimité d’un nombre réel, par exemple :

4 – Télescopie
Dans certains cas, relativement exceptionnels, on est capable de calculer explicitement les sommes partielles de la série étudiée, ce qui ramène l’étude de celle-ci à un simple calcul de limite.
Un scénario typique est celui où les sommes partielles peuvent se mettre sous forme télescopique. Si vous n’êtes pas à l’aise avec cette notion, vous pouvez aller jeter un coup d’œil ici.
Voyons quelques exemples.
Exemple 1
On demande le calcul de :


Exemple 2

Dans ce qui suit, on note la fonction arctangente.
On demande le calcul de :
Si l’on note, pour tout :
On obtient ainsi :

Exemple 3
On demande le calcul, pour tout entier de :

Pour le cas général, on commence par expliquer que la série proposée converge, car la suite de ses sommes partielles est croissante (évident) et majorée par
On observe ensuite que, pour tous et
:




Remarque
Dans ce calcul, on aurait pu s’attendre à une formule de récurrence, donnant en fonction de
. Il est intéressant d’observer qu’on a directement obtenu une formule explicite pour
: les
ont disparu lors du passage à la limite !
5 – Condition nécessaire de convergence
On pourrait penser que l’étude d’une série passe obligatoirement par le calcul explicite des sommes partielles, suivi d’un calcul de limite (si limite il y a …).
Il n’en est rien ! Et la raison principale est justement l’impossibilité, en général, d’obtenir une telle fomule explicite. A ce titre, l’exemple des séries géométriques présenté à la section 2 est exceptionnel.
On cherche plutôt à déterminer la nature d’une série en examinant seulement son terme général (et notamment le comportement asymptotique de celui-ci). Ceci est rendu possible par un cortège de règles de convergence qui seront, pour un petit nombre d’entre-elles, présentées dans cet article.
Voici la plus simple de toutes ces règles :
Condition Nécessaire de Convergence
Si une série converge, alors
La preuve est immédiate. Il suffit de voir que, pour tout :


Lorsque le terme général ne converge pas vers 0, la série est dite grossièrement divergente.
C’est par exemple le cas d’une série géométrique lorsque
Mais attention ! La nature d’une série dont le terme général tend vers 0 n’est pas claire : une telle série peut converger ou diverger, selon les cas. Voici deux exemples de séries qui divergent, mais non grossièrement :
Exemple 1
La série est divergente, bien que
En effet, la somme partielle de rang comporte
termes et le plus petit d’entre eux est
Il en résulte que :
Exemple 2
La série harmonique est divergente, bien que
Cet exemple et le précédent constituent des cas particuliers d’une situation générale (les séries de Riemann), étudiée à la section suivante.
Cela dit, pour la série harmonique, une minoration analogue à celle utilisée à l’exemple 1 ne donne rien. Voici ce qu’on peut néanmoins faire …
Posons, pour tout :




6 – Les séries de Riemann (dans le champ réel)
Par définition, une série de Riemann est de la forme :

Il s’agit là d’une définition restreinte. Pour en savoir un peu plus, voir ici.
Nous allons montrer qu’elle converge si, et seulement si,
Il est déjà évident que la condition est nécessaire à la convergence puisque, dans le cas contraire, le terme général ne tend pas vers 0 (cf. section précédente).
Proposition (nature des séries de Riemann)
Soit On note, pour tout
:
➣ Si alors :
➣ Si alors :
Il en résulte que la série :
- converge si
- diverge si
La clef de la démonstration réside dans une comparaison série / intégrale. L’application



Après sommation, il vient :


Quelle que soit la valeur du réel la suite
est (strictement) croissante puisque :
- Si
alors :
est majorée, donc convergente d’après le théorème de la limite monotone.
- Si
alors les minorations :
de la suite
Maintenant que l’on dispose de séries « de référence », à savoir les séries géométriques et les séries de Riemann, on va mettre en place un outil de comparaison entre séries à termes positifs.
7 – Principe de comparaison
Proposition
Considérons deux suites et
telles que :
()

Dans ces conditions, la série est aussi convergente.
Ce résultat, appelé Principe de Comparaison (PC en abrégé) pour les séries à termes positifs, joue un rôle central dans l’élaboration des règles usuelles de convergence. Voyons comment il se démontre.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Considérons, pour tout les sommes partielles :






Concernant le principe de comparaison, quelques remarques s’imposent :
- On peut l’énoncer sous forme contraposée : avec les mêmes hypothèses, la divergence de la série
entraîne celle de la série
- Si les inégalités
sont vraies APCR seulement, la conclusion est inchangée.
- Si, sous les mêmes hypothèses, la série
est divergente, on ne peut rien dire quant à la nature de la série
. Peut-être converge-t-elle et qu’on a majoré trop fort ? Ou alors elle diverge … et dans ce cas, il faudrait plutôt chercher à minorer
Voici trois exemples d’utilisation :
Exemple 1
On demande la nature de la série :

Exemple 2
On demande la nature de la série :


Il en résulte qu’en posant :
Remarque
Il est nettement plus simple d’aborder cet exemple en utilisant la règle des équivalents (voir plus bas), puisque :
Exemple 3
On demande la nature de la série :
Nous allons « consommer » un peu de l’exposant 2 et faire apparaître le produit d’un facteur borné par le terme général d’une série de Riemann convergente :


8 – Premier corollaire du principe de comparaison
Règle de d’Alembert
Etant donnée une suite à termes strictement positifs, on suppose qu’il existe un réel
tel que :
- si
la série
converge,
- si
la série
diverge grossièrement.
Dans le cas où la nature de la série
reste indéterminée (on parle du cas douteux de la règle de d’Alembert).
En anglais, cette règle est connue sous le nom de ratio’s test.
On peut établir ce résultat en comparant au terme général d’une suite géométrique.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
➣ Traitons d’abord le cas où et choisissons un réel
Vu que la suite converge vers
il existe un entier
tel que :






➣ Passons au cas Le raisonnement est analogue, quoique plus simple.
Il existe un entier tel que :


➣ Enfin, il est impossible de conclure (sans plus d’information) lorsque Il suffit, pour s’en convaincre, d’exhiber deux séries à termes strictement positifs pour lesquelles
l’une étant convergente et l’autre étant divergente. C’est par exemple le cas des séries de Riemann (voir section 6) :
Voici trois exemples d’utilisation de la règle de d’Alembert.
Exemple 1
Etant donnés on demande la nature de la série :

![Rendered by QuickLaTeX.com a\in\left]0,1\right[](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-1245de6b69fc4b91dbd103273ccf4a23_l3.png)
![Rendered by QuickLaTeX.com a\in\left]1,+\infty\right[](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-ef45f204318735016045b8d2a6e20cd1_l3.png)

Pour on reconnaît une série de Riemann, qui converge si et seulement si
Exemple 2
Etant donné on demande la nature de la série :


Exemple 3
On demande la nature de la série de terme général :

Notons qu’on pouvait se contenter du principe de comparaison, puisque pour tout :
Un sérieuse mise en garde :

Si pour tout
et si la série
converge, il n’est pas du tout certain que la suite
converge vers une limite
. Tout au plus peut-on dire que SI elle converge, alors sa limite appartient à ce segment.
Sauriez-vous trouver un exemple de série convergente, à termes strictement positifs et telle que la suite soit divergente ? Solution en annexe.
9 – Second corollaire du principe de comparaison
Dans ce qui suit, nous aurons besoin de la notion de suites réelles équivalentes.
Rappelons ce dont il s’agit :
Définition
Deux suites réelles et
dont les termes sont tous non nuls (au moins APCR) sont dites équivalentes lorsque :



On peut maintenant énoncer :
Règle des équivalents
Soient et
deux séries à termes strictement positifs.
Si de plus alors les deux séries sont de même nature.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
L’hypothèse entraîne l’existence d’un entier
tel que :






Exemple 1
On demande la nature de la série de terme général :

Exemple 2
On demande la nature de la série de terme général :


Exemple 3
On demande la nature de la série de terme général :



On va, là encore, obtenir un équivalent de ce qui permettra de conclure. Pour cela, on commence par trouver un équivalent du reste :
![Rendered by QuickLaTeX.com {\displaystyle \left]0,+\infty\right[\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto\frac{1}{x^{\alpha}}},](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-87c07f648583c9f6e7cb5de66f654c0a_l3.png)






Exemple 4
On demande la nature de la série :

Mais on s’en sort en reconnaissant une intégrale de Wallis. Il est en effet classique qu’en posant, pour tout :
Remarque
On pourrait aussi conclure en appliquant la règle de Raabe-Duhamel, qui sera présenté dans un prochain article.
Dans cette première partie, on a présenté quelques généralités sur les séries et l’essentiel de ce qu’il faut savoir concernant les séries à termes réels positifs. Dans la seconde partie, on examine les séries à termes réels de signe quelconque et, plus généralement, à termes complexes.
Annexe
A la fin de la section 8, on a demandé un exemple de série convergente, à termes strictement positifs, pour laquelle la suite diverge. Voici un tel exemple :

Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Bonjour Monsieur,
Merci pour cet article qui remet plusieurs idées en place !
(tout à la fin de la partie 1, un « semblait » s’est glissé à la place de « semblaient », et je crois qu’il s’agit de k supérieur ou égal à 1 pour la série dont on ne sait pas si elle diverge).
Bien à vous,
Fabrice
Évidemment ! Merci de m’avoir signalé ces coquilles, qui sont à présent corrigées.