Le résultat suivant est bien connu :
Théorème
Soit un intervalle non trivial de
Si est dérivable et alors est croissante.
Ce résultat est essentiel à l’étude des variations des fonctions numériques. Il est généralement vu comme conséquence de la formule des accroissements finis :
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Si est tel que alors il existe tel que
Vue l’hypothèse on obtient Ainsi, est croissante.
L’objet de ce qui suit est de prouver ce théorème, sans recourir à la formule des accroissements finis.
On va suivre le plan de bataille suivant, en deux étapes :
➭ ETAPE 1
Si sont deux suites à termes dans l’intervalle vérifiant :
et :
alors :
➭ ETAPE 2
Soit dérivable et telle que Alors, en raisonnant par l’absurde et en utilisant l’étape 1, on prouve que est croissante.
Passons aux explications détaillées …
Détail de l’étape 1
Pour tout , posons :
avec , ce qui est possible puisque, par hypothèse, est compris entre et .
Posons aussi, pour tout :
de sorte que l’application est continue.
Alors, pour tout :
et donc :
ce qui prouve le résultat annoncé.
Remarque 1
Si les suites et convergent vers du même côté, la conclusion ne persiste pas.
Pour le voir, on peut considérer l’exemple suivant :
Il est classique que est dérivable et que sa dérivée en 0 est nulle. Posons, pour tout :
On constate que :
Remarque 2
Cependant, si est de classe (c’est-à-dire que est non seulement dérivable mais aussi que est continue), alors pour tout couple de suites vérifiant les conditions
on a :
En effet :
Détail de l’étape 2
Soit dérivable et telle que On suppose l’existence d’un couple tel que et et l’on espère bien aboutir à une contradiction !
Notons et Alors :
Posons si l’on est dans le premier cas ou bien sinon.
On construit ainsi, par récurrence, une suite de segments, vérifiant :
()
etD’après le théorème des segments emboîtés, il existe un réel tel que :
D’après l’étape 1 :
et d’après les inégalités :
En passant à la limite, lorsque on en déduit que :
Mais ceci n’est pas compatible avec l’hypothèse Nous avons obtenu la contradiction souhaitée. Finalement, est croissante.
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Bonjour Monsieur,
Je vous en prie 😊
Après deux relectures attentives je crois avoir bien compris les arguments en jeu, et je n’ai pas de remarque supplémentaire !
Je vous souhaite un bon dimanche
Merci monsieur pour cette nouvelle réponse !
Je crois que nous parlons de deux points différents 😊
Si vous me le permettez, je retrace mon cheminement en vous posant plusieurs questions, comme cela vous pourrez me dire exactement le moment où je fais probablement fausse route !
– dans la section « Détail de l’étape 2 », juste après « D’après l’étape 1 : », vous utilisez la conclusion (le résultat) de l’étape 1 ?
– si c’est bien le cas, en tout début d’article, après « On va suivre le plan de bataille… », les hypothèses permettant d’appliquer le résultat de l’étape 1 sont annoncées :
lim Xn = lim Yn = alpha et Xn < alpha < Yn pour tout n.
Est-ce bien cela ?
– Ainsi, toujours dans la section « Détail de l’étape 2 », juste après « D’après l’étape 1 », je ne vois pas pourquoi vous ne montrez pas que l’hypothèse « Xn < alpha < Yn pour tout n » est vérifiée avant d’appliquer le résultat 1 ie le quotient tend vers le nombre dérivé ?
Mon point concerne la vérification des hypothèses avant application du résultat de l’étape 1 !
Je suis d’accord avec tout le reste y compris les segments emboîtés 🙂
Bien à vous
Cette fois, je pense avoir compris votre objection et j’ai fait les modifications qui s’imposaient. Vous avez raison, il n’y avait pas adéquation entre les étapes 1 et 2. Cela dit, il s’avère que c’est l’étape 1 que j’ai dû modifier (afin d’autoriser que ou que soit égal à pour certaines valeurs de ) et non l’étape 2. J’ai donc remplacé l’hypothèse par et et j’ai aussi introduit la fonction taux d’accroissement en , ou plus exactement son prolongement par continuité, que j’ai noté .
Vous me direz si ça vous paraît tenir la route à présent. Encore merci pour cet échange fructueux !
Bonsoir Monsieur,
Je vous remercie pour votre réponse.
Le théorème des segments emboîtés et la construction des segments In entraînent que :
– lim Xn = lim Yn = alpha
– et Xn <= alpha <= Yn pour tout n.
Mais les hypothèses énoncées en début d’article permettant d’appliquer l’étape 1 sont un peu plus restrictives :
– lim Xn = lim Yn = alpha ;
– et Xn < alpha < Yn pour tout n (donc X ACPR de limite alpha non autorisée par exemple sauf erreur de ma part).
Mon point d’incompréhension est pourquoi il n’est pas nécessaire de vérifier les hypothèses les plus restrictives avant d’appliquer le résultat de l’état 1 en fin d’article ?
En espérant ne pas être à côté de la plaque 🙂
Bien à vous
Bonjour et merci pour cet échange,
Notre point de désaccord provient sans doute d’un léger écart entre votre énoncé du théorème des segments emboîtés et le mien.
Voici l’énoncé sur lequel je m’appuie :
Toute suite décroissante (pour l’inclusion) de fermés non vides (de ou, plus généralement, d’un espace métrique complet) dont le diamètre tend vers 0 a pour intersection un singleton.
Ou bien son corollaire, suffisant ici :
Toute suite décroissante de segments (= intervalles non vides, fermés et bornés de ) dont la longueur tend vers 0 a pour intersection un singleton.
Le raisonnement par récurrence signalée dans l’article permet de construire une suite de segments vérifiant notamment, pour tout :
et
Ceci permet d’invoquer le théorème précité (ou son corollaire) sans qu’on s’inquiète de savoir si les suites ou sont stationnaires.
Sommes-nous parvenus à un accord ? 🙂
Bonsoir Monsieur,
Merci pour cet article !
En petites fautes de frappes j’ai relevé au début du détail de l’étape 2 un af(b) qui s’est glissé à la place de f(a)>f(b), et dans l’accolade en-dessous un y qui s’est glissé à la place d’un b.
Lorsque l’étape 1 est appliquée à la suite du théorème des segments emboîtés, comment exclure par exemple le cas où les Xn seraient tous égaux à alpha à partir d’un certain rang (ce qui aurait pour conséquence que la 1ere hypothèse -double inégalité stricte- permettant d’appliquer l’étape 1 ne serait pas vérifiée) ?
Bien à vous
Bonjour et merci pour ce commentaire.
J’ai rectifié les deux coquilles signalées.
Pour ce qui concerne la suite et la suite , la construction montre que pour tout on a et , ce qui permet d’appliquer l’étape 1 à coup sûr. Ceci n’empêche pas, certes, que les (ou bien les ) soient tous égaux APCR mais ce n’est pas gênant et le théorème des segments emboîtés s’applique quand même. Vous ai-je convaincu ?