Lettre R

RACINE CARRÉE

Etant donné un nombre réel Y\geqslant0, on peut montrer que l’équation x^2=Y d’inconnue x\in\mathbb{R} possède deux solutions opposées (confondues si Y=0).

Celle qui est positive est la racine carrée de Y; on la note \sqrt Y ou Y^{1/2}.

Si Y<0, il n’existe aucune solution réelle à l’équation x^2=Y.

Par exemple :

    \[\sqrt{25}=5\qquad\sqrt{\frac{16}{9}}=\frac43\qquad\sqrt2\in]1,41;\,1,42[\]

L’application \mathbb{R}^+\to\mathbb{R}^+,t\mapsto\sqrt t est la bijection réciproque de \mathbb{R}^+\to\mathbb{R}^+,t\mapsto t^2.

Proposition

Pour tout x\in\mathbb{R} :

    \[\sqrt{x^2}=\vert x\vert\]

\vert x\vert désigne la valeur absolue de x.

Exemple

    \[\sqrt{3-2\sqrt2}=\sqrt{\left(1-\sqrt2\right)^2}=\vert1-\sqrt2\vert=\sqrt2-1\]

On peut montrer que si n\in\mathbb{N} n’est pas le carré d’un entier, alors \sqrt n\notin\mathbb{Q}.

Dans le corps (\mathbb{C},+,\times), tout \omega\neq0 possède deux racines carrées opposées et l’usage du symbole \sqrt \omega est proscrit (ou, tout au moins, pas recommandé à un niveau élémentaire, en raison de son ambiguïté : en l’absence de relation d’ordre dans \mathbb{C}, on ne peut pas distinguer de solution « positive » parmi les deux solutions complexes de l’équation z^2=\omega … ).

D’une manière générale, si (A,+,\times) est un anneau et si a\in A, les racines carrées dans A de a sont les (éventuelles) solutions de l’équation x^2=a, d’inconnue x\in A.

Dans l’anneau \mathcal{M}_n(\mathbb{R}) des matrices carrées réelles de taille n\geqslant2, certains éléments ne possèdent aucune racine carrée, d’autres en possède un nombre fini, d’autres encore en possèdent une infinité.

Dans le corps \mathbb{F}_p (pour p premier impair), il existe \frac{p+1}2 éléments possédant une racine carrée et \frac{p-1}2 éléments n’en possédant pas.

RÉCIPROQUE (bijection)

Théorème et définition

Soient X,Y deux ensembles non vides.

Si f:X\rightarrow Y, est une bijection, on note f^{-1} l’application de Y vers X qui, à chaque élément de Y, associe son unique antécédent par f.

f^{-1} est une bijection, appelée bijection réciproque (ou simplement : réciproque) de f.

C’est l’unique application g:Y\rightarrow X vérifiant g\circ f=id_{X} et f\circ g=id_{Y}.

Exemple 1

L’application

    \[\mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto2x+1\]

est bijective et sa réciproque est :

    \[\mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto\frac{x-1}{2}\]

Exemple 2

L’application

    \[\left[-\frac{1}{2},+\infty\right[\rightarrow\left[\frac{3}{4},+\infty\right[,\thinspace x\mapsto x^{2}+x+1\]

est bijective et sa réciproque est :

    \[\left[\frac{3}{4},+\infty\right[\rightarrow\left[-\frac{1}{2},+\infty\right[,x\mapsto\frac{1}{2}\left(-1+\sqrt{4y-3}\right)\]

Exemple 3

L’application

    \[\mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto x^{5}+x+1\]

est bijective, mais on ne dispose d’aucune formule pour expliciter sa réciproque au moyen des fonctions usuelles.

Revenons un instants aux généralités.

Proposition : réciproque d’une composée

Si X,Y,Z sont trois ensembles non vides et si f:X\rightarrow Y et g:Y\rightarrow Z sont des bijections, alors g\circ f est une bijection et :

    \[\left(g\circ f\right)^{-1}=f^{-1}\circ g^{-1}\]

Signalons un point de vue géométrique.

Proposition : graphe d’une réciproque

Etant données deux parties A,B de \mathbb{R} et une bijection f:A\rightarrow B, chacun des graphes de f et de f^{-1} est l’image directe de l’autre par la réflexion d’axe \Delta,\Delta désigne la première bissectrice (la droite de \mathbb{R}^{2} d’équation y=x).

C’est ainsi que les graphes de \mathbb{R}^{+}\rightarrow\mathbb{R}^{+},\thinspace x\mapsto x^{2} et de \mathbb{R}^{+}\rightarrow\mathbb{R}^{+},\thinspace x\mapsto\sqrt{x} sont symétriques par rapport à \Delta. Même chose pour les graphes de \left]0,+\infty\right[\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto\ln\left(x\right) et de \mathbb{R}\rightarrow\left]0,+\infty\right[,\thinspace x\mapsto\exp\left(x\right).

Exemple 4

Si E est un ensemble et si A\subset E, notons \overline{A} le complémentaire de A dans E. L’application

    \[\mathcal{P}\left(E\right)\rightarrow\mathcal{P}\left(E\right),\thinspace A\mapsto\overline{A}\]

est une bijection qui coïncide avec sa réciproque.

Il s’agit d’un cas particulier d’involution. Les involutions d’un ensemble non vide X sont les applications f:X\rightarrow X vérifiant f\circ f=id_{X}.

Certaines fonctions usuelles sont définies comme des bijections réciproques. C’est notamment le cas de arcsin, arccos, arctan ou encore argsh, argch, argth. Un autre exemple célèbre est celui des fonctions elliptiques de Jacobi :

Exemple 5

k\in\left[0,1\right[ étant fixé, l’application

    \[F_{k}:\mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R},\thinspace x\mapsto\int_{0}^{x}\frac{1}{\sqrt{1-k^{2}\sin^{2}\left(t\right)}}\thinspace dt\]

est une bijection. Sa réciproque est l’amplitude de
Jacobi
A_{k}, à partir de laquelle sont définies les fonctions elliptiques \text{sn}_{k}, \text{cn}_{k} et \text{dn}_{k} (respectivement : sinus, cosinus et delta de Jacobi) en posant pour tout x\in\mathbb{R} :

    \begin{eqnarray*} \text{sn}_{k}\left(x\right) & = & \sin\left(A_{k}\left(x\right)\right)\\\text{cn}_{k}\left(x\right) & = & \cos\left(A_{k}\left(x\right)\right)\\\text{dn}_{k}\left(x\right) & = & \sqrt{1-k^{2}\text{sn}_{k}^{2}\left(x\right)}\end{eqnarray*}

Terminons avec quelques propriétés importantes d’une bijection réciproque (sans aucune prétention d’exhaustivité) :

Propriétés d’une réciproque

Soient I,J deux intervalles non triviaux et soit f:I\rightarrow J une bijection.

  • Si f est strictement monotone, alors f^{-1} aussi et les sens de variation sont les mêmes.
  • Si f est impaire, alors f^{-1} aussi (les intervalles I et J sont en outre supposés symétriques par rapport à 0).
  • Si f est continue, alors f^{-1} aussi.
  • Si f est dérivable et si f' ne s’annule pas, alors f^{-1} est dérivable et :

        \[\left(f^{-1}\right)'=\frac{1}{f'\circ f^{-1}}\]

  • Si f est de classe C^{k} (avec k\in\mathbb{N}^{\star}\cup\left\{ \infty\right\} ) et si f' ne s’annule pas, alors f^{-1} est aussi de classe C^{k}.

RÉEL (nombre)

De façon naïve, les nombres réels sont tous les nombres que l’on peut associer à un point d’une droite D, après avoir choisi un repère normé pour celle-ci. En clair : on commence par choisir deux points de D; l’un est associé à 0 et l’autre à 1. Après cela, une correspondance bijective est établie entre D et \mathbb{R} : chaque point est associé à un nombre réel bien déterminé et réciproquement. L’illustration ci-dessous donne une idée de cette correspondance :

On peut aussi se représenter un nombre réel par son développement décimal illimité :

    \begin{eqnarray*}1/3 & = & 0,3333333\cdots\\\sqrt{2} & = & 1,4142136\cdots\\\pi & = & 3,1415926\cdots\end{eqnarray*}


Mais il faut bien reconnaître que cette écriture, avec ses points de suspension, manque cruellement de rigueur. Pour une construction sérieuse de \mathbb{R}, voir plus bas.

Brève énumération de quelques sous-ensembles importants de \mathbb{R} :

  • l’ensemble \mathbb{N} des entiers naturels : 0, 1, 2, 3, etc …
  • l’ensemble \mathbb{Z} des entiers relatifs : …, -3, -2, -1, 0, 1, 2, 3, …
  • l’ensemble \mathbb{D} des nombres décimaux : ce sont les a\times10^{-p} pour a\in\mathbb{Z} et p\in\mathbb{N}
  • l’ensemble \mathbb{Q} des nombres rationnels, c’est-à-dire de la forme p/q avec p\in\mathbb{Z} et q\in\mathbb{N}^{\star}
  • l’ensemble \mathbb{R}-\mathbb{Q} des nombres irrationnels : tous les réels … qui ne sont pas rationnels ! \sqrt{2}, e, \pi et beaucoup, beaucoup d’autres …
  • l’ensemble \mathbb{A} des nombres algébriques : ce sont les solutions d’équations de la forme P\left(x\right)=0 avec P un polynôme de degré \geqslant1 à coefficients entiers.

Ces ensembles, à l’exception de \mathbb{R}-\mathbb{Q}, sont dotés d’une structure algébrique (\mathbb{Z} et \mathbb{D} sont des anneaux, \mathbb{Q} et \mathbb{A} sont des corps).

Schéma d’une construction du corps des nombres réels

En supposant connu le corps \mathbb{Q} des rationnels, on peut construire un corps totalement ordonné, archimédien et complet admettant un sous-corps isomorphe à \mathbb{Q}. En outre, un tel corps est unique à isomorphisme (de corps) près.

Voici, dans les grandes lignes, le plan d’une telle construction : on quotiente l’anneau des suites de Cauchy de rationnels par l’idéal constitué des suites de limite nulle. Comme cet idéal est maximal, le quotient est un corps, que l’on note \mathbb{R}. En associant à tout rationnel la classe de la suite constante qu’il définit, on établit un morphisme injectif de corps, qui permet d’identifier \mathbb{Q} à un sous-corps de \mathbb{R}. Il reste à prouver le caractère archimédien et la complétude de \mathbb{R}.

Cette construction, attribuée à Charles Meray ainsi qu’à Georg Cantor n’est qu’une parmi d’autres. Le mathématicien allemand Richard Dedekind en a proposé une autre, reposant sur la notion de coupures de rationnels.

RIEMANN (série de)

Les séries de la forme {\displaystyle \sum_{n\geqslant1}\frac{1}{n^{z}}} (pour z\in\mathbb{C}) sont appelées séries de Riemann.

Bernhard RIEMANN (1826-1866)

On montre qu’une telle série converge si, et seulement si, \text{Re}\left(z\right)>1. Sa somme est la fonction zeta de Riemann :

    \[\boxed{\zeta\left(z\right)=\sum_{n=1}^{\infty}\frac{1}{n^{z}}}\]

Pour z=1, il s’agit de la célèbre série harmonique.

Euler a découvert la formule explicite suivante :

    \[\forall n\in\mathbb{N}^\star,\,\zeta\left(2n\right)=\frac{\left(-1\right)^{n-1}B_{2n}\left(2\pi\right)^{2n}}{2\left(2n\right)!}\]

où les B_k sont les nombres de Bernoulli, qui apparaissent dans le développement en série entière de la fonction

    \[z\mapsto\frac{z}{e^z-1}\]

Par exemple :

    \[\zeta\left(2\right)=\frac{\pi^{2}}{6}\qquad\zeta\left(4\right)=\frac{\pi^{4}}{90}\qquad\zeta\left(6\right)=\frac{\pi^{6}}{945}\]

En revanche, très peu de choses sont connues sur les valeurs de \zeta aux entiers impairs plus grands que 1. On doit au mathématicien français Roger Apéry la preuve de l’irrationalité de \zeta\left(3\right) (preuve publiée en 1978).

Euler a aussi découvert l’identité fondamentale suivante :

    \[\forall s>1,\,\zeta\left(s\right)=\prod_{p\in\mathbb{P}}\left(1-\frac{1}{p^{s}}\right)^{-1}\]

le produit étant indexé par l’ensemble \mathbb{P} des nombres premiers. Ce développement (dit « en produit eulérien ») laissait déjà entrevoir une connection étroite entre les propriétés de \zeta et la répartition des nombres premiers.

Mais c’est à Riemann que l’on doit d’avoir eu l’idée d’étudier la fonction \zeta dans le champ complexe. Il a prouvé que \zeta se prolonge en une fonction holomorphe sur \mathbb{C}-\left\{ 1\right\} . Ce nouveau cadre a permis, dès la fin du XIXème siècle, à Hadamard et de la Vallée Poussin de démontrer (indépendamment) le théorème des nombres premiers, selon lequel le nombre, noté \pi(x), de nombres premiers inférieurs à x croît comme \displaystyle{\frac{x}{\ln(x)}}.

Riemann a aussi formulé une célèbre hypothèse (non démontrée à ce jour) et qui porte son nom. Cette hypothèse affirme que les seuls zéros non triviaux (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas des entiers pairs strictement négatifs) du prolongement de \zeta sont situés sur la droite d’équation \text{Re}\left(z\right)=\frac{1}{2}. L’illustration ci-dessous montre une portion du graphe de :

    \[t\mapsto\left|\zeta\left(\frac12+it\right)\right|\]

On y voit les 13 premiers zéros de partie réelle \frac12 et de partie imaginaire strictement positive :

ROLLE (Lemme de)

Lemme de ROLLE

Soient a,b deux réels tels que a<b et soit f:\left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R} continue. Si de plus f est dérivable sur \left]a,b\right[ et si f\left(a\right)=f\left(b\right), alors :

    \[\exists c\in\left]a,b\right[;\thinspace f'\left(c\right)=0\]

Si f est constante, le résultat est évident. Et sinon, on observe que f atteint l’une au moins de ses deux bornes en un point c intérieur au segment \left[a,b\right]. Si par exemple f\left(c\right)={\displaystyle \sup_{t\in\left[a,b\right]}f\left(t\right)}, alors le taux d’accroissement :

    \[\frac{f\left(t\right)-f\left(c\right)}{t-c}\qquad\left(t\in\left[a,b\right]-\left\{ c\right\} \right)\]

dont on sait qu’il tend vers f'\left(c\right) lorsque t tend vers c, est :

  • positif ou nul lorsque t<c
  • négatif ou nul lorsque t>c

ce qui entraîne f'\left(c\right)=0. La situation est analogue si {\displaystyle f\left(c\right)=\inf_{t\in\left[a,b\right]}f\left(t\right)}.

Le lemme de Rolle admet, parmi ses corollaires, la célèbre …

Formule des accroissements finis

Soient a,b deux réels tels que a<b et soit f:\left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R} continue. Si de plus f est dérivable sur \left]a,b\right[, alors :

    \[\exists c\in\left]a,b\right[;\thinspace f'\left(c\right)=\frac{f\left(b\right)-f\left(a\right)}{b-a}\]

Il suffit d’appliquer le lemme de Rolle à :

    \[g:\left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R},\thinspace t\mapsto f\left(t\right)-\lambda t\]

\lambda est choisi de telle sorte qu’on ait : g\left(a\right)=g\left(b\right).

Cette formule s’interprète géométriquement : il existe un point du graphe de f en lequel la tangente est parallèle à la droite joignant les points du graphe d’abscisses a et b.

Parmi les principales applications de cette formule, on peut citer :

Proposition

Soit I un intervalle non trivial et soit f:I\rightarrow\mathbb{R} une application dérivable. Si

    \[\forall t\in I,\thinspace f'\left(t\right)\geqslant0\]

alors f est croissante.

Cette implication est à la base de la méthode usuelle d’étude des variations des fonctions numériques. Signalons que sa réciproque est vraie (mais moins intéressante).

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