
La manipulation de sommes, via le symbole (sigma), repose sur un petit nombre de règles. Cet article a pour objet de les énumérer et d’en donner des exemples d’utilisation, sans aucune prétention à l’originalité.
Pour vous entraîner à manier correctement cette écriture et les techniques associées, je vous suggère d’aller jeter un œil aux exercices accessibles depuis cette page.
Pour commencer, interrogeons-nous sur l’intérêt de la notation
1 – Abandon des points de suspension
En lisant la formule
Même chose pour :
Mais dans le cas de :
Pourtant, ces nombres n’ont pas été choisis au hasard. Ce sont les premiers termes de la suite définie par la formule :


On pourrait donc penser que les points de suspension peuvent être utilisés, à condition qu’il n’existe aucun doute quant à l’identité de la suite sous-jacente. Mais ce n’est pas aussi simple…
Par exemple, si l’on pose pour tout entier :
les premiers termes de la suite


Mais attention :
Donc, lorsqu’on écrit :
pourquoi ne s’agirait-il pas, après tout, de la somme des neufs premiers termes de la suite

Ceci montre la nécessité d’une notation totalement explicite, qui élimine toute ambiguïté.
On abandonne donc les points de suspension et on adopte la notation
2 – Le symbole ∑
Etant donnée une liste de nombres réels (ou, plus généralement, complexes), on note :

« somme, pour variant de 1 jusqu’à n, de u indice k ».
La symbole est l’indice de sommation.

Il est essentiel de comprendre que la somme ne dépend absolument pas de Pour cette raison, ce symbole est qualifié de « muet ». Concrètement, cela signifie qu’on peut le remplacer par n’importe quel autre symbole… qui ne soit pas déjà utilisé dans le contexte du calcul !
Par exemple, étant donnés et
la somme :

Revenons au cas général. Au lieu de la notation on peut utiliser l’une des deux variantes suivantes :

L’écriture se généralise facilement en
où I est un ensemble fini et non vide (et où, pour tout
désigne un nombre complexe).
Notons que, dans l’écriture rien n’indique la manière dont les termes sont additionnés. Mais c’est sans importance, puisque l’addition des nombres complexes est une opération commutative et associative. La commutativité permet de modifier l’ordre des termes sans affecter le total, tandis que l’associativité dit que les différents parenthésages possibles sont équivalents.
Une manière plus aboutie d’exprimer l’équivalence des différents parenthésages est la suivante.
Si l’on partitionne I en sous-ensembles
(ce qui veut dire que les
sont non vides, deux à deux disjoints et que leur union est I), alors (formule générale d’associativité) :
Ajoutons que, par convention, une somme de nombres complexes indexée par l’ensemble vide est nulle. Cette convention a le mérite de maintenir vraie la formule générale d’associativité, même si certains sous-ensembles sont vides.
Passons maintenant aux règles utilisées en pratique pour manipuler des sommes.
3 – Séparer / Fusionner
L’ordre des termes étant sans importance pour le calcul d’une somme, on voit que si et
sont des nombres complexes quelconques, alors :
Il est nécessaire, pour la fusion, que les deux ensembles d’indices coïncident. Si tel n’est pas le cas, on peut éventuellement s’y ramener en effectuant une ré-indexation dans l’une des deux sommes : je ne vous ai pas encore parlé de ré-indexation, mais nous verrons cela un peu plus loin (cf. section 5).
4 – Développer / Factoriser
La formule bien connue de distributivité se généralise sans effort (simple récurrence) pour donner ceci :
si et
sont des nombres complexes, alors


Et attention à l’erreur du débutant : pour avoir le droit de factoriser par encore faut-il que ce coefficient
soit indépendant de l’indice de sommation.
L’exemple qui suit est repris en détail dans la vidéo Calcul de Sommes, Episode 1. Si vous connaissez les propriétés des coefficients binomiaux, vous savez sans doute que pour tout couple d’entiers vérifiant
:




5 – Changer d’indice
Changer d’indice dans (ou : ré-indexer) une somme consiste simplement à en re-numéroter les termes. Par exemple, la somme peut s’écrire :


Ces exemples sont très simples : on a ré-indexé la somme en décalant l’ancien indice d’une unité. On est parfois conduit à effectuer d’autres types de ré-indexation. Par exemple, si l’on considère :




D’une manière plus générale, étant donnés deux ensembles finis et
, si
est bijective et si
est une famille de nombres complexes indexée par
alors :

Voyons un exemple de ce mécanisme, en considérant un groupe fini et un morphisme
de ce groupe vers le groupe
des nombres complexes non nuls. Calculons la somme :




Et sinon, il existe tel que
L’application
étant bijective (c’est ce qu’on appelle une translation du groupe
, on peut effectuer dans la somme le changement d’indice défini par
, ce qui donne :

6 – Sommations télescopiques
Etant donnés un entier et des nombres complexes
l’expression :

Cela se comprend en écrivant explicitement les quelques premiers termes et les quelques derniers (le calcul qui suit suppose ) :


On dit qu’une telle sommation est “télescopique”. Cette appellation fait sans doute référence à ce qui se passe lorsqu’on replie une lunette télescopique (cf. figure ci-dessous) : seules les extrémités restent visibles !

La formule
- soit par récurrence sur n,
- soit en séparant en deux sommes, puis en ré-indexant l’une d’elles.
Les choses deviennent intéressantes lorsque la sommation n’apparaît pas, au premier coup d’œil, comme étant télescopique …
Par exemple, si l’on pose pour tout entier :

Autre exemple, considérons pour tout :


Pour calculer explicitement la somme :
soit finalement :
7 – Intervertir deux sommes
Considérons deux entiers ainsi que
nombres complexes
, avec
et
. Posons alors :
Comme expliqué à la section 2, cette notation a un sens, car peu importe l’ordre dans lequel les termes sont additionnés et peu importe le parenthésage utilisé.
En particulier, l’ensemble peut être partitionné «en lignes» ou bien «en colonnes», comme suggéré par l’illustration ci-dessous :


Ceci conduit à la formule suivante, appelée « formule d’interversion pour un domaine de sommation rectangulaire » :
Le cas d’un domaine de sommation triangulaire, est tout aussi important en pratique.
Par exemple, si l’on considère :
on peut, à nouveau, sommer «en lignes» ou bien «en colonnes» :


Et voici la formule correspondante :


Exemple 1
Etant donnés et
, on pose :
Comment obtenir ces formules de façon « naturelle » ? Une approche consiste à calculer de deux manières l’expression :
Après interversion des sommes (le domaine est rectangulaire) et mise en facteur du coefficient binomial, on obtient :






Par exemple, connaissant les formules :

Exemple 2
Pour tout entier , on note classiquement
le n-ème « nombre harmonique » :
Il existe une foule de choses à savoir au sujet de la suite , mais nous porterons notre attention sur la formule de récurrence suivante :

Avec cette formule , on retrouve la divergence de la suite
. En effet, si cette suite convergeait vers un réel
, on aurait d’après le lemme de Cesàro :


Pour un exemple du même style, mais plus élaboré, voir le challenge 35
8 – Et pour les produits ?
L’analogue du symbole pour représenter un produit est le symbole
(il s’agit de la lettre majuscule grecque « pi »).
Si sont des nombres réels ou complexes, leur produit est donc noté :




Tout comme les sommes (cf. section 6), les produits peuvent se télescoper. La formule de base est :

Voyons pour terminer trois petits exemples de calculs faisant intervenir la notation :
Exemple 1
Pour tout et pour tout
:
En effet, un produit de puissances d’un même nombre est égal à
où
désigne la somme des exposants. Or, nous savons que
.
Exemple 2
Posons pour tout entier :
Il est facile de voir que, pour tout :


Il s’ensuit que :
Exemple 3
Cherchons une expression simplifiée pour :
En calculant ceci pour de petites valeurs de , on trouve invariablement 1. On conjecture alors que
, ce qu’on prouve par récurrence sans trop de problème (non détaillé).
Une autre façon d’aborder cette question consiste à écrire comme un produit double (un produit de produits) puis à intervertir les deux produits (tout comme on sait intervertir deux sommes : cf. section 7) :

L’égalité repérée par un résulte d’une interversion sur un domaine triangulaire.
Vos questions ou remarques seront toujours les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
la somme de -n à n de (k+1)
Si
, alors :
or la première somme est nulle (regrouper le premier terme avec le dernier, le second avec l’avant-dernier, etc…) et la seconde vaut
puisqu’elle comporte
termes tous égaux à 1. Bref :
Il va être difficile de répondre, à part pour dire qu’une telle somme est un entier… Merci de préciser quelle somme vous souhaitez calculer.