
Cet article présente l’essentiel de ce qu’il faut savoir au sujet des coefficients binomiaux.
Ces entiers, qui doivent leur nom à la formule du binôme (cf. section 6 plus bas) interviennent dans une foule de problèmes mathématiques, notamment en combinatoire et en arithmétique.
Le sujet étant vaste, nous nous limiterons à quelques unes des propriétés les plus simples et les plus fréquemment rencontrées.
1 – Préambule et notations
Pour tout entier naturel on désigne par
l’ensemble des entiers
vérifiant
.
Noter que :
Définition
Un ensemble E est dit fini lorsqu’il existe un entier naturel et une bijection de
vers
. On peut montrer l’unicité d’un tel
: c’est le cardinal de
, noté
.
Intuitivement, indique le nombre d’éléments de
.
On peut démontrer (nous l’admettrons ici) la :
Proposition
Si est un ensemble fini de cardinal
, alors toute partie
de
est aussi finie et
, avec égalité si, et seulement si,
.
On sait que la composée de deux bijections est une bijection. Il en résulte aussitôt que :
Proposition
Si et
sont deux ensembles, si
est fini et s’il existe une bijection de
vers
, alors
est fini et
.
On note classiquement l’ensemble des parties d’un ensemble
.
Si est fini et
, on note
la partie de
constituée des parties de
de cardinal
.
Il est donc clair que :
- si
, alors
Nous aurons enfin à utiliser le :
Principe Additif
Si sont deux ensembles finis et disjoints, alors
est fini et :
Plus généralement, si sont des ensembles finis deux à deux disjoints, alors :
2 – Point de vue combinatoire sur les coefficients binomiaux
Définition
Soient et
deux entiers naturels tels que
. On note :
Le membre de gauche de cette égalité se lit « k parmi n ».
En d’autres termes, désigne le nombre de parties de
qui sont de cardinal
.
Il est facile de voir que si est de cardinal
, alors les ensembles
et
sont équipotents (c’est-à-dire qu’il existe une bijection de l’un vers l’autre); il en résulte que :
désigne le nombre de parties de cardinal
dans un ensemble de cardinal
Exemple
Calculons . Pour cela, considérons un ensemble à quatre éléments, que nous noterons
et énumérons ses parties de cardinal 2 :
Manifestement, il en existe six. Par conséquent : .
Cependant, cette méthode d’énumération exhaustive atteint très vite ses limites ! Si l’on voulait faire de même pour calculer , il faudrait dresser la liste complète des parties de cardinal 10 dans un ensemble de cardinal 20, ce qui est difficilement imaginable, quand on sait (cf. formule de Fermat, à la section 5) que :
Et ne parlons pas de :
Même si nous étions capables de passer en revue les parties de cardinal 30 d’un ensemble de cardinal 60, à raison d’une par seconde, sans jamais faire de pause, il ne nous faudrait pas moins de 37 milliards d’années pour en venir à bout !!
Une formule pour le calcul direct de s’avère donc nécessaire. Nous l’obtiendrons à la section 5.
3 – Formule de symétrie
Choisir éléments parmi
, revient à en sélectionner
éléments qui ne seront pas choisis.
Ces éléments, qui sont mis de côté, sont donc – en un sens – « choisis » eux aussi !
Il n’est donc pas surprenant qu’on ait :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
C’est la formule de symétrie des coefficients binomiaux.
En voici une justification rigoureuse.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Soit un ensemble de cardinal
. Pour chaque partie
de
, notons
le complémentaire de
dans
et considérons les applications :
Comme le complémentaire du complémentaire d’une partie n’est autre que
, il est clair que :
Il s’ensuit que et
sont des bijections (et que chacune est la réciproque de l’autre).
En particulier, et
sont équipotents, d’où la formule.
4 – Formule de Pascal
Soient deux entiers naturels tels que
et
.
Considérons un ensemble de cardinal
ainsi qu’un élément particulier de
, que nous notons
.
Les parties de de cardinal
, qui sont au nombre de
, peuvent être classées en deux catégories :
- celles qui ne contiennent pas
,
- celles qui contiennent
.
Les premières sont les parties de cardinal de
. Il en existe
.
Les autres s’obtiennent en ajoutant à une partie de cardinal
de
: il en existe donc autant que de parties de cardinal
de
, c’est-à-dire
.
Ce raisonnement prouve, via le principe additif, que :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
Cette relation (appelée formule de Pascal) permet de construire un tableau, appelé « triangle de Pascal », qui renferme les valeurs des coefficients binomiaux. La valeur de est placée à l’intersection de la ligne n et de la colonne k.
➣ Comme pour tout
, on place au préalable des ‘1’ sur la colonne 0 et sur la diagonale.
➢ Ensuite, on utilise la formule encadrée pour « garnir » la table, ligne par ligne.
L’animation suivante montre le remplissage du triangle de Pascal, jusqu’à la ligne 8 :

5 – Formule de Fermat
Nous sommes maintenant en mesure d’établir une formule adaptée au calcul direct de .
Il s’agit de la « formule de Fermat » :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
Si la notion de factorielle vous est peu familière, je vous suggère la lecture des articles suivants :
- Qu’est-ce qu’une factorielle ? Partie 1 (article de vulgarisation)
- Qu’est-ce qu’une factorielle ? Partie 2 – (article de niveau supérieur)
La formule encadrée se prouve par récurrence sur . Pour
, il est clair que :
Supposons ensuite que, pour un certain , on ait pour tout
:
Alors, pour tout :
c’est-à-dire, comme souhaité :
Cette égalité est encore vraie pour et pour
, et la formule de Fermat est donc établie.
Pour les calculs numériques, il est pratique d’utiliser ceci :
Version simplifiée de la formule de Fermat
Pour tout et pour tout
:
On retiendra que le numérateur et le dénominateur de cette fraction sont chacun le produit de entiers consécutifs. Ceci peut aider à mémoriser la formule correcte.
Exemples
Exemple 1
De combien de façons peut-on choisir 6 cartes à jouer dans un paquet de 16 cartes ? Réponse :
Exemple 2
Une grille de loto comporte 49 numéros.
De combien de façons le joueur peut-il en choisir 6 ?

Réponse :
Remarquons, pour conclure cette section, que la formule de Fermat exprime une propriété arithmétique intéressante en soi, à savoir qu’étant donné un entier , tout produit de
entiers consécutifs est multiple de la factorielle de
. En effet, étant donné
:
Pour plus de détails à ce sujet, je vous invite à lire l’article (n+1)(n+2)…(n+k) est multiple de k!
6 – Formule du binôme de Newton
Au collège, on apprend l’identité remarquable .
La formule du binôme en donne une version généralisée, avec un exposant quelconque :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
Exemple
Si et
, le terme
sera obtenu en choisissant deux facteurs parmi les six.
Dans ces deux-là, on sélectionnera le terme , tandis que dans les quatre autres, on sélectionnera le terme
.
Enumérons les possibilités (les deux facteurs sélectionnés sont représentés en rouge) :
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
… etc …
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)(a+b)
Bref : il existe possibilités.
Ainsi, dans l’expression développée de , le terme
est affecté d’un coefficient
.
Commençons par en donner une preuve combinatoire.
En développant « brutalement » l’expression , on obtient
termes, qui sont tous de la forme
pour un certain
.
Pour une valeur donnée de , combien de fois le terme
apparaît-il ? C’est simple : il suffit de voir que, pour obtenir ce terme, on doit sélectionner la lettre
dans
facteurs et la lettre
dans les
autres, ce qui peut se faire de
façons.
Pour chaque , le terme
apparaît donc
fois dans le développement de
. La formule du binôme en résulte.
On peut aussi envisager une …
Preuve par récurrence (cliquer pour déplier / replier)
Etant donnés , on considère l’assertion :
est vraie, puisque :
Supposons vraie pour un certain
. Alors :
Si l’on effectue dans la première somme le changement d’indice , il vient :
(1)
L’avant-dernière égalité résulte de la formule de Pascal. La dernière s’obtient en ré-insérant les termes et
dans le
(ils correspondent respectivement à
et à
).
L’assertion est donc établie, ce qui achève la démonstration.
7 – Formule du pion
Proposition
L’égalité :
On l’appelle parfois « formule du pion ».
Cette appellation est sans doute due à une vague analogie avec le jeu d’échec : lorsqu’un pion attaque un pion adverse, il se déplace d’une case en diagonale (disons depuis la case située à l’intersection de la ligne et de la colonne
vers celle située à l’intersection de la ligne
et de la colonne
), comme l’indique le schéma ci-dessous :

Cette formule peut être établie de deux manières : par un calcul ou bien par un raisonnement combinatoire.
Preuve 1 – par calcul (cliquer pour déplier / replier)
Avec la formule de Fermat, on voit facilement que :
Mais le point de vue combinatoire est clairement plus instructif …
Preuve 2 – combinatoire (cliquer pour déplier / replier)
Etant donné un ensemble de cardinal
et un entier
tel que
, on va dénombrer les couples
tels que :
Pour cela, on peut choisir d’abord de
façons, puis choisir
de
façons : au total, on trouve
couples.
Une autre méthode consiste à choisir d’abord de
façons, puis à « l’entourer » de
éléments choisis dans
, et ce de
façons : au total, on trouve
couples.
La formule du pion en résulte.
Vous en trouverez un exemple d’utilisation dans la vidéo Calcul de sommes – 01.
L’illustration ci-dessous permet de visualiser les deux manières de compter :

8 – Formule de Vandermonde
Considérons un ensemble de cardinal
. Le nombre de parties de
qui sont de cardinal
est, par définition
. Mais on peut raisonner autrement.
On commence par fixer deux parties complémentaires et de même cardinal (autrement dit : on place une « cloison » dans
). Se donner une partie de
de cardinal
revient alors à choisir, pour un certain
,
éléments d’un côté de la cloison et
éléments de l’autre. La figure ci-dessous montre l’une des
manières de choisir 12 objets parmi 56 :

Pour donné, le nombre de ces double-choix est
, c’est-à-dire
.
Ces possibilités s’excluent mutuellement, ce qui autorise l’usage du principe additif mentionné à la section 1. En ajoutant, il vient :
Par conséquent :
On peut aisément généraliser : pour dénombrer les parties d’un ensemble de cardinal
qui sont de cardinal
(avec
). On cloisonne
en deux parties de cardinaux respectifs
et
puis, en raisonnant comme ci-dessus, on parvient la « formule de Vandermonde » :
Si l’on convient que dès que
ou
, cette formule s’écrit plus simplement :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
En voici une illustration « concrète ». Etant donné un jeu de 32 cartes, on peut compter le nombre de « mains » (une main est un ensemble de 5 cartes extraites du jeu) : il en existe évidemment . Si l’on note
le nombre de mains comportant exactement
rois (pour
), on voit que :
Par exemple,
d’où, en passant aux cardinaux :
ce qui correspond à la formule de Vandermonde pour
9 – Somme d’une colonne dans le triangle de Pascal
Reprenons le triangle de Pascal et examinons ce qui se passe lorsqu’on ajoute les termes d’une colonne, depuis le terme diagonal (qui vaut 1) jusqu’à une certaine profondeur.


Après quelques essais, on conjecture qu’une telle somme est égale au coefficient binomial situé « en-dessous, à droite » de la colonne considérée. Plus formellement :
Proposition
Pour tout et pour tout
:
Cette relation est prouvable grâce à une sommation télescopique (pour savoir ce qu’est une “sommation télescopique”, voir l’article : Manipulation de sommes à l’aide du symbole ∑)
Là encore, il est intéressant d’interpréter le résultat de manière combinatoire.
Détail de la preuve combinatoire (cliquer pour déplier / replier)
Notons l’ensemble des applications strictement croissantes de
vers
, pour
. Une telle application est parfaitement déterminée par la donnée d’une partie de
de cardinal
: en effet, connaissant les éléments atteints, le plus petit d’entre-eux sera l’image de 1, celui immédiatement supérieur sera l’image de 2, etc … Il s’ensuit que :
Maintenant, changeons de point de vue… Pour , le maximum de
– c’est-à-dire le plus grand des nombres
– est un entier
compris (au sens large) entre
et
. Etant donné un tel entier
, il existe
éléments de
dont le maximum est M. En effet, se donner un application strictement croissante de
vers
ayant
pour maximum, équivaut à se donner une application strictement croissante de
vers
.En appliquant le principe additif, on voit ainsi que :
d’où l’égalité :
Pour retrouver la formule encadrée plus haut, il suffit de remplacer
10 – Coefficients binomiaux et nombres de Fibonacci
Reprenons le triangle de Pascal et ajoutons cette fois les termes d’une diagonale ascendante, comme indiqué sur la figure ci-dessous :

On voit apparaître une suite, qui commence par : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 55, 89, 144, …
Vous aurez probablement reconnu les premiers termes de la célèbre suite de Fibonacci. Rappelons que cette suite est définie par :
Cette observation nous amène formuler la :
Proposition
Pour tout :
Preuve par récurrence (cliquer pour déplier / replier)
L’égalité se vérifie sans peine pour . Supposons-la vraie pour aux rangs
et
, pour un certain entier
et montrons qu’alors :
Pour cela, distinguons deux cas, selon la parité de .
➣ Si est pair, on voit en posant
et en invoquant pour commencer la formule de Pascal, que :
On a séparé le
➣ Si est impair, on pose cette fois
et le calcul est similaire :
La proposition est établie.
Preuve combinatoire (cliquer pour déplier / replier)
Imaginons un petite grenouille, confortablement installée au pied d’un escalier. Elle doit le gravir, mais en respectant une consigne : elle ne peut effectuer que des sauts dirigés vers le haut de l’escalier et ne franchit qu’une marche ou deux à chaque saut.

De combien de façons la grenouille peut-elle gravir l’escalier ? Notons la réponse, qui dépend bien sûr du nombre
de marches …
On calcule facilement « à la main » pour les petites valeurs de
:



Ces quelques observations suggèrent la formule générale :
Celle-ci se prouve à l’aide d’une récurrence d’ordre 2.
Manifestement : ,
. Supposons (hypothèse de récurrence) que
et
.
Etant donné un escalier de marches (avec
), il existe
manières de le gravir en terminant par un saut de deux marches, et il en existe
autres se terminant par le franchissement d’une seule marche. Au total :
, comme souhaité.
Changeons maintenant de point de vue pour le calcul de . Etant donné un entier naturel
, considérons le nombre de façons de gravir un escalier de
marches, en effectuant exactement
sauts de deux marches (ce qui impose
).
Le nombre total de sauts effectués est alors : . Une telle façon de gravir l’escalier s’identifie à un mot de
lettres, chaque lettre pouvant être ‘1’ ou ‘2’ et le mot comportant un total de
lettres ‘2’ : il existe
tels mots. Le nombre de façons de gravir l’escalier est donc :
En confrontant
J’espère que cet article vous sera utile !
Vous pouvez commencer à chercher des exercices relatifs aux coefficients binomiaux. Je vous ai préparé des énoncés ici.
Vos questions ou remarques seront toujours les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Dans l’argument plus rigoureux de la symetrie des coefficients binomiaux, n’a t’on pas /A -> A lorsqu’on ecrit l’application
P(n-k) (E) -> P(k) (E)?
Bonjour Joseph,
Le formalisme adopté dans l’article est le bon. D’une manière générale, lorsqu’on définit une application u de manière explicite, on spécifie son ensemble de départ E et son ensemble d’arrivée F ainsi que le “mécanisme” par lequel on associe, à chaque élément de E, son image par u. Un élément générique de E est généralement désigné par une lettre (x, y, …), à la rigueur par un couple ou plus généralement un n-uplet si E est un produit cartésien de deux ou plusieurs ensembles, mais JAMAIS par une expression plus complexe.
Par exemple, il est ILLICITE de définir
.
Dans l’exemple qui nous intéresse, on définit psi en disant qu’à chaque partie de E de cardinal n-k, on associe son complémentaire dans E. Cela dit, il est certain que si une partie de E de cardinal n-k se présente sous la forme du complémentaire d’un certain B, alors son image par psi est B.