Qu’est-ce qu’une factorielle ? (Partie 2)

Pré-requis : intégration par parties, suites numériques équivalentes, calcul de développements limités, séries numériques (séries de Riemann, règle des équivalents).

1 – Une factorielle, c’est grand… mais grand comment ?

Si vous n’avez pas encore lu l’article « Qu’est-ce qu’une factorielle ? Partie 1 », lisez-le 🙂

On y trouve, pour l’essentiel, une interprétation étonnante de l’entier 52!, dont la taille gigantesque dépasse largement ce que l’intuition nous permet d’appréhender.

Je vous propose maintenant d’aller rendre visite à une formule célèbre, attribuée au mathématicien écossais James Stirling (1692-1770), qui donne une estimation asymptotique de n! lorsque n tend vers l’infini :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$n!\sim\left(\frac{n}{e}\right)^{n}\sqrt{2\pi n}$}\]

Le symbole \sim se lit « est équivalent à » et signifie que le rapport des deux membres tend vers 1. Autrement dit, nous allons prouver que :

    \[\boxed{\lim_{n\rightarrow\infty}\frac{n!\thinspace e^{n}}{n^{n}\sqrt{n}}=\sqrt{2\pi}}\]

😯 Une formule pour le moins surprenante !… En effet, la factorielle d’un entier n est par définition égale au produit des entiers de 1 à n : c’est donc une quantité définie très simplement et de manière purement arithmétique. Pourtant, lorsqu’on se penche sur son comportement à l’infini, on voit débarquer deux « stars » de l’analyse mathématique, à savoir les nombres π et e.

Afin d’établir ce résultat, intéressons-nous au préalable à une suite d’intégrales…

La n-ème intégrale de Wallis, notée W_{n}, est définie pour tout n\in\mathbb{N} par :

    \[\boxed{W_{n}=\int_{0}^{\pi/2}\sin^{n}\left(t\right)\thinspace dt}\]

Dans ce qui suit, nous allons :

  • d’une part, obtenir un équivalent de W_{n} lorsque n tend vers l’infini,
  • d’autre part, établir une formule explicite pour W_{2n}, qui fait intervenir des factorielles.

C’est essentiellement en combinant ces deux points que nous démontrerons la formule de Stirling.

2 – Relation de récurrence pour les intégrales de Wallis

On commence par mettre en évidence une relation de récurrence vérifiée par la suite \left(W_{n}\right)_{n\in\mathbb{N}}. Pour cela, on intègre par parties pour n\geqslant2, en posant :

    \[u\left(t\right)=\sin^{n-1}\left(t\right)\qquad\text{et}\qquad v'\left(t\right)=\sin\left(t\right)\]


    \[u'\left(t\right)=\left(n-1\right)\sin^{n-2}\left(t\right)\cos\left(t\right)\qquad\text{et}\qquad v\left(t\right)=-\cos\left(t\right)\]

ce qui donne :

    \[W_{n}=\left[-\sin^{n-1}\left(t\right)\cos\left(t\right)\right]_{0}^{\pi/2}+\left(n-1\right)\int_{0}^{\pi/2}\sin^{n-2}\left(t\right)\cos^{2}\left(t\right)\thinspace dt\]

Le terme entre crochets est nul puisque \sin\left(0\right)=\cos\left(\frac{\pi}{2}\right)=0. Par ailleurs, en remplaçant \cos^{2}\left(t\right) par 1-\sin^{2}\left(t\right) dans la dernière intégrale, il vient :

    \[W_{n}=\left(n-1\right)\int_{0}^{\pi/2}\sin^{n-2}\left(t\right)\left(1-\sin^{2}\left(t\right)\right)\thinspace dt=\left(n-1\right)\left(W_{n-2}-W_{n}\right)\]

Nous avons prouvé que, pour tout n\geqslant2 :

(\star)   \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$nW_{n}=\left(n-1\right)W_{n-2}$}\]

Cette relation de récurrence ramène le calcul de W_{n} à celui de W_{n-2}, puis de W_{n-4} … etc … et finalement de W_{0} (si n est pair) ou de W_{1} (sinon).

On calcule donc, une fois pour toutes :

    \[\boxed{W_{0}=\int_{0}^{\pi/2}\thinspace dt=\frac{\pi}{2}}\qquad\text{et}\qquad\boxed{W_{1}=\int_{0}^{\pi/2}\sin\left(t\right)\thinspace dt=1}\]


après quoi, le calcul numérique de W_{n} pour une petite valeur de n est un jeu d’enfant.

Par exemple :

    \[W_{7}=\frac{6}{7}\thinspace W_{5}=\frac{6}{7}\times\frac{4}{5}\thinspace W_{3}=\frac{6}{7}\times\frac{4}{5}\times\frac{2}{3}\thinspace W_{1}\qquad\text{soit : }W_{7}=\frac{16}{35}\]

3 – Equivalent de la n-ème intégrale de Wallis

La suite \left(W_{n}\right)_{n\geqslant0} est décroissante. En effet, pour tout n\in\mathbb{N} :

    \[W_{n+1}-W_{n}=\int_{0}^{\pi/2}\sin^{n}\left(t\right)\left(\sin\left(t\right)-1\right)\thinspace dt\]


Or d’une part \sin\left(t\right)\geqslant0 pour tout t\in\left[0,\pi\right] (et, a fortiori, pour tout t\in\left[0,\frac{\pi}{2}\right]) et, d’autre part \sin\left(t\right)\leqslant1 pour tout réel t. La différence W_{n+1}-W_{n} est donc négative, en tant qu’intégrale d’une fonction négative.

Il s’ensuit que, pour tout n\in\mathbb{N}^{\star} :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$W_{n+1}\leqslant W_{n}\leqslant W_{n-1}$}\]

Les intégrales de Wallis sont toutes strictement positives, car une fonction continue, positive et qui n’est pas identiquement nulle possède une intégrale strictement positive. Autre justification possible … en utilisant la minoration

    \[\forall t\in\left[0,\frac\pi 2\right],\,\sin(t)\geqslant\frac{2t}\pi\]

on voit que, pour tout n\in\mathbb{N} :

    \[W_n\geqslant\int_0^{\pi/2}\left(\frac{2t}\pi\right)^n\thinspace dt=\frac{\pi}{2(n+1)}>0\]

Bref, on peut diviser chaque membre de l’encadrement précédent par W_{n-1}, ce qui donne :

    \[\frac{W_{n+1}}{W_{n-1}}\leqslant\frac{W_{n}}{W_{n-1}}\leqslant1\]

Compte tenu de la relation de récurrence \left(\star\right), ce dernier encadrement peut aussi s’écrire :

    \[\frac{n}{n+1}\leqslant\frac{W_{n}}{W_{n-1}}\leqslant1\]

et vu que {\displaystyle \lim_{n\rightarrow\infty}\frac{n}{n+1}=1,} le théorème d’encadrement (alias « théorème des gendarmes ») nous montre que :

(\diamondsuit)   \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{\lim_{n\rightarrow\infty}\frac{W_{n}}{W_{n-1}}=1}$}\]

Par ailleurs, en multipliant chaque membre de \left(\star\right) par W_{n-1}, on obtient :

    \[nW_{n}W_{n-1}=\left(n-1\right)W_{n-1}W_{n-2}\]

ce qui montre que la suite \left(nW_{n}W_{n-1}\right)_{n\geqslant1} est constante. Cette constante n’est autre que le premier terme de la suite, c’est-à-dire 1\times W_{1}\times W_{0}. Or, nous connaissons les valeurs de W_{0} et W_{1} (elles ont été calculées à la section 2); on voit ainsi que :

(\heartsuit)   \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{\forall n\geqslant1,\:nW_{n}W_{n-1}=\frac{\pi}{2}}$}\]

Pour finir, on peut écrire artificiellement, pour tout n\in\mathbb{N}^{\star} :

    \[nW_{n}^{2}=nW_{n}W_{n-1}\;\frac{W_{n}}{W_{n-1}}\]

et donc, d’après \left(\diamondsuit\right) et \left(\heartsuit\right) :

    \[nW_{n}^{2}\sim\frac{\pi}{2}\]

C’est-à-dire :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{W_{n}\sim\sqrt{\frac{\pi}{2n}}}$}\]

Cet équivalent indique une convergence « plutôt lente » vers 0 pour la suite \left(W_n\right)_{n\geqslant0}.

4 – Calcul explicite des intégrales de Wallis

En exploitant la relation de récurrence \left(\star\right), on peut expliciter W_{n} en distinguant deux cas, selon la parité de n. Intéressons-nous au cas où n est pair …

On calcule successivement :

    \[W_{2}=\frac{1}{2}\thinspace W_{0}\qquad W_{4}=\frac{3\times1}{4\times2}\thinspace W_{0}\qquad W_{6}=\frac{5\times3\times1}{6\times4\times2}\thinspace W_{0}\qquad\text{etc...}\]


ce qui laisse deviner, pour tout p\in\mathbb{N}, la formule générale :

    \[W_{2p}=\frac{\left(2p-1\right)\left(2p-3\right)\cdots3\times1}{2p\left(2p-2\right)\cdots4\times2}\thinspace W_{0}\qquad\spadesuit\]

Cette formule se prouve aisément par récurrence (non détaillé).

La fraction au second membre de \left(\spadesuit\right) fait intervenir des produits d’entiers qui se suivent de 2 en 2 … Il ne reste donc pas grand chose à faire pour qu’apparaissent des factorielles !

On peut en effet multiplier le numérateur et le dénominateur de cette fraction par le produit 2p\left(2p-2\right)\cdots4\times2.

Ceci a pour effet de « boucher les trous » au numérateur et de faire apparaître la factorielle de 2p. On tombe ainsi sur :

    \[W_{2p}=\frac{\left(2p\right)!}{\left[2p\left(2p-2\right)\cdots4\times2\right]^{2}}\thinspace W_{0}\]

c’est-à-dire :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{W_{2p}=\frac{\left(2p\right)!\thinspace\pi}{2^{2p+1}\left(p!\right)^{2}}}$}\]

Par exemple :

    \[W_{20}=\frac{20!\:\pi}{2^{21}\left(10!\right)^{2}}\text{ soit, après simplification : }W_{20}=\frac{46189\thinspace\pi}{524288}\]

Remarque 1

Ce calcul classique fait l’objet de l’exercice n° 2 de cette fiche d’exercices sur la factorielle. En liaison avec la formule de Stirling, on pourra aussi regarder l’exercice n° 5 de cette même fiche.

Remarque 2

Un calcul similaire montre que, pour tout p\in\mathbb{N} :

    \[\boxed{W_{2p+1}=\frac{2^{2p}\left(p!\right)^{2}}{\left(2p+1\right)!}}\]

mais on n’en aura pas besoin dans la suite de cet article.

5 – La formule de Stirling

Comme cela a été indiqué en début d’article, nous souhaitons démontrer que :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{\lim_{n\rightarrow\infty}\frac{n!\thinspace e^{n}}{n^{n}\sqrt{n}}=\sqrt{2\pi}}$}\]

Pour cela, nous procéderons en deux temps :

  • [Etape 1] Nous allons d’abord prouver que la suite de terme général

        \[u_{n}=\frac{n!\thinspace e^{n}}{n^{n}\sqrt{n}}\]

    est convergente (étape 1-A) et que sa limite \lambda est non nulle (étape 1-B),
  • [Etape 2] ensuite, nous calculerons \lambda, en nous servant de ce que nous avons appris au sujet des intégrales de Wallis.

Pour des raisons de type « pédagogique », l’étape 1 sera traitée deux fois :

→ une première fois avec des outils de niveau « T+ » (c’est-à-dire de niveau Terminale avec un enseignement mathématique renforcé, mais avec une mise en œuvre technique supérieure à ce qui se pratique communément dans cette classe)

→ une seconde fois avec des outils de niveau 1ère / 2ème année d’enseignement supérieur (développements limités, utilisation de séries numériques et des règles usuelles de convergence associées), ce qui aura pour effet de raccourcir significativement la démonstration.

Détail étape 1-A (niveau T+) (cliquer pour déplier / replier)

Pour montrer que la suite \left(u_{n}\right)_{n\geqslant1} converge, il suffit de voir qu’elle est décroissante (comme elle est d’évidence minorée par 0, le célèbre théorème « toute suite réelle décroissante et minorée converge » pourra s’appliquer).

Pour cela, comparons à 1 le quotient de deux termes consécutifs. Pour tout n\geqslant1 :

    \begin{eqnarray*}\frac{u_{n+1}}{u_{n}} & = & \frac{\left(n+1\right)!\thinspace e^{n+1}}{\left(n+1\right)^{n+1}\sqrt{n+1}}\:\frac{n^{n}\sqrt{n}}{n!\thinspace e^{n}}\cr\noalign{\vspace{8pt}}& = & \frac{\left(n+1\right)!}{n!}\thinspace\frac{e^{n+1}}{e^{n}}\thinspace\frac{n^{n}}{\left(n+1\right)\left(n+1\right)^{n}}\sqrt{\frac{n}{n+1}}\cr\noalign{\vspace{8pt}}& = & e\thinspace\left(\frac{n}{n+1}\right)^{n}\sqrt{\frac{n}{n+1}}\cr\noalign{\vspace{8pt}}& = & e\thinspace\left(\frac{n}{n+1}\right)^{n+\frac{1}{2}}\end{eqnarray*}

Il revient au même de déterminer le signe de \ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right), c’est-à-dire de :

    \[1+\left(n+\frac{1}{2}\right)\ln\left(\frac{n}{n+1}\right)=\left(n+\frac{1}{2}\right)F\left(n\right)\qquad\left(\natural\right)\]

où l’on a posé, pour tout t>0 :

    \[F\left(t\right)=\frac{1}{t+\frac{1}{2}}+\ln\left(\frac{t}{t+1}\right)\]

La fonction F est dérivable sur \left]0,+\infty\right[ et sa dérivée est donnée par :

    \[F'\left(t\right)=-\frac{1}{\left(t+\frac{1}{2}\right)^{2}}+\frac{1}{t}-\frac{1}{t+1}=\frac{-t\left(t+1\right)+\left(t+\frac{1}{2}\right)^{2}}{t\left(t+1\right)\left(t+\frac{1}{2}\right)^{2}}\]

Après simplification :

    \[F'\left(t\right)=\frac{1}{4t\left(t+1\right)\left(t+\frac{1}{2}\right)^{2}}>0\]

ce qui montre la stricte croissance de F. Comme \lim_{t\rightarrow+\infty}F\left(t\right)=0, on en déduit que F\left(t\right)<0 pour tout t>0. Ainsi :

    \[\forall n\in\mathbb{N}^{\star},\thinspace\ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right)<0\]

Autrement dit :

    \[\forall n\in\mathbb{N}^{\star},\thinspace\frac{u_{n+1}}{u_{n}}<1\]

La décroissance de la suite \left(u_{n}\right)_{n\geqslant1} est établie et sa convergence en résulte.

Détail étape 1-B (niveau T+) (cliquer pour déplier / replier)

Nous allons avoir recours à un :

Lemme

Pour tout t\in\left[0,1\right[ :

    \[-\ln\left(1-t\right)\leqslant t+\frac{t^{2}}{2}+\frac{t^{3}}{3\left(1-t\right)}\]

La preuve de ce lemme est reportée en ANNEXE.

Repartons de la formule \left(\natural\right) établie plus haut. Pour tout n\geqslant1 :

    \[\ln\left(u_{n+1}\right)-\ln\left(u_{n}\right)=1+\left(n+\frac{1}{2}\right)\ln\left(\frac{n}{n+1}\right)\]

Nous allons minorer cette expression, ce qui donnera (après sommation télescopique), une minoration de \ln\left(u_{n}\right).
Nous constaterons qu’il est possible de minorer \ln\left(u_{n}\right) par une certaine constante K.
Il en résultera une minoration de u_{n} par une constante strictement positive (à savoir e^{K}), d’où la non-nullité de la limite \lambda.

Il faut à présent mettre les mains dans le cambouis …

La formule ci-dessus peut s’écrire :

    \[\ln\left(u_{n+1}\right)-\ln\left(u_{n}\right)=1+\left(n+\frac{1}{2}\right)\ln\left(1-\frac{1}{n+1}\right)\]

Donc, d’après le lemme :

    \[\ln\left(u_{n+1}\right)-\ln\left(u_{n}\right)\geqslant1-\left(n+\frac{1}{2}\right)\left(\frac{1}{n+1}+\frac{1}{2\left(n+1\right)^{2}}+\frac{1}{3\left(n+1\right)^{3}\left(1-\frac{1}{n+1}\right)}\right)\]

c’est-à-dire (après un peu de calcul…) :

    \[\ln\left(u_{n+1}\right)-\ln\left(u_{n}\right)\geqslant-\frac{n+2}{12n\left(n+1\right)^{2}}\]

d’où, en majorant n+2 par 2n+2 :

    \[\ln\left(u_{n+1}\right)-\ln\left(u_{n}\right)\geqslant-\frac{1}{6n\left(n+1\right)}=-\frac{1}{6}\left(\frac{1}{n}-\frac{1}{n+1}\right)\]

A présent, ajoutons membre à membre ces inégalités pour les indices 1 à n-1 (pour n\geqslant2) :

    \[\ln\left(u_{n}\right)-\ln\left(u_{1}\right)\geqslant-\frac{1}{6}\left(1-\frac{1}{n}\right)\]

Comme u_{1}=e, on en déduit que :

    \[\forall n\geqslant1,\:\ln\left(u_{n}\right)\geqslant\frac{5}{6}+\frac{1}{6n}>\frac{5}{6}\]

et donc :

    \[\boxed{\forall n\geqslant1,\:u_{n}\geqslant e^{\frac{5}{6}}}\]

On est maintenant certain que la limite \lambda de la suite \left(u_{n}\right)_{n\geqslant1} est non nulle.

Détail étapes 1-A & 1-B (niveau Sup) (cliquer pour déplier / replier)

Pour qu’une suite \left(t_{n}\right)_{n\geqslant1} de réels strictement positifs converge vers une limite \lambda non nulle, il suffit que la suite \left(\ln\left(t_{n}\right)\right)_{n\geqslant1} soit convergente. En effet, en notant \alpha=\lim_{n\rightarrow\infty}\ln\left(t_{n}\right), on aura (par continuité de la fonction exponentielle) : \lambda=e^{\alpha}>0.

Par ailleurs, pour qu’une suite \left(a_{n}\right)_{n\geqslant1} soit convergente, il suffit que la série \sum_{n\geqslant1}\left(a_{n+1}-a_{n}\right) le soit. En effet, par télescopage des termes :

    \[\forall n\geqslant1,\;a_{n}=a_{1}+\sum_{k=1}^{n-1}\left(a_{k+1}-a_{k}\right)\]

Intéressons-nous donc à la série de terme général \ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right). On sait que pour tout n\geqslant1 :

    \[\frac{u_{n+1}}{u_{n}}=e\thinspace\left(\frac{n}{n+1}\right)^{n+\frac{1}{2}}\]

→ [voir détail 1A niveau T+, pour le calcul détaillé]

Donc :

    \[\ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right)=1-\left(n+\frac{1}{2}\right)\ln\left(1+\frac{1}{n}\right)\]

En utilisant le développement limité de t\mapsto\ln\left(1+t\right) au voisinage de 0 à l’ordre 3, on constate que :

    \[\ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right)=1-\left(n+\frac{1}{2}\right)\left(\frac{1}{n}-\frac{1}{2n^{2}}+\frac{1}{3n^{3}}+o\left(\frac{1}{n^{3}}\right)\right)\]

c’est-à-dire :

    \[\boxed{\ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right)\sim-\frac{1}{12n^{2}}}\]


Ceci prouve, comme souhaité, que la série \sum_{n\geqslant1}\ln\left(\frac{u_{n+1}}{u_{n}}\right) converge, et donc que la suite \left(u_{n}\right)_{n\geqslant1} converge vers une limite non nulle, que nous notons \lambda.

Détail étape 2 (niveau Sup) (cliquer pour déplier / replier)

En combinant les résultats établis à la section 3 et à la section 4, on obtient l’équivalent suivant (lorsque p tend vers +\infty) :

    \[\frac{\left(2p\right)!\thinspace\pi}{2^{2p+1}\left(p!\right)^{2}}\sim\frac{1}{2}\sqrt{\frac{\pi}{p}}\qquad\clubsuit\]

Par ailleurs, vu que \lambda\neq0, la convergence de la suite \left(u_{n}\right)_{n\geqslant1} vers \lambda peut s’écrire :

    \[n!\sim\lambda\left(\frac{n}{e}\right)^{n}\sqrt{n}\]

En injectant cette dernière relation dans \left(\clubsuit\right), on trouve :

    \[\frac{\lambda\left(\frac{2p}{e}\right)^{2p}\sqrt{2p}\pi}{2^{2p+1}\left(\lambda\left(\frac{p}{e}\right)^{p}\sqrt{p}\right)^{2}}\sim\frac{1}{2}\sqrt{\frac{\pi}{p}}\]

c’est-à-dire, après simplification :

    \[\frac{\pi}{2\lambda}\sqrt{\frac{2}{p}}\sim\frac{1}{2}\sqrt{\frac{\pi}{p}}\]

d’où finalement \boxed{\lambda=\sqrt{2\pi}}

La jolie formule de Stirling est établie :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{n!\sim\left(\frac{n}{e}\right)^{n}\sqrt{2\pi n}}$}\]

😅 😅 Pfffouh !

Portraits-Wallis-Stirling

6 – Annexe : preuve du lemme

Voici, comme promis, une démonstration … et même deux, pour le :

Lemme

Pour tout t\in\left[0,1\right[ :

    \[-\ln\left(1-t\right)\leqslant t+\frac{t^{2}}{2}+\frac{t^{3}}{3\left(1-t\right)}\]

Preuve 1 – Niveau T+ (cliquer pour déplier / replier)

Posons pour tout t\in\left[0,1\right[ :

    \[D\left(t\right)=t+\frac{t^{2}}{2}+\frac{t^{3}}{3\left(1-t\right)}+\ln\left(1-t\right)\]

et étudions les variations de la fonction D. Sa dérivée est donnée par :

    \[D'\left(t\right)=1+t+\frac{3t^{2}\left(1-t\right)+t^{3}}{3\left(1-t\right)^{2}}-\frac{1}{1-t}=\frac{t^{3}}{3\left(1-t\right)^{2}}>0\]

Donc D est strictement croissante.

Comme D\left(0\right)=0, on voit que D\left(t\right)\geqslant0 pour tout t\in\left[0,1\right[.

Preuve 2 – Niveau Sup (cliquer pour déplier / replier)

On sait que, pour tout t\in\left[0,1\right[ :

    \[-\ln\left(1-t\right)=\sum_{n=1}^{\infty}\frac{t^{n}}{n}=t+\frac{t^{2}}{2}+\sum_{n=3}^{\infty}\frac{t^{n}}{n}\]

On majore alors \frac{t^{n}}{n} par \frac{t^{n}}{3} pour chaque indice n\geqslant3, ce qui donne :

    \[-\ln\left(1-t\right)\leqslant t+\frac{t^{2}}{2}+\frac{1}{3}\sum_{n=3}^{\infty}t^{n}\]

et l’on reconnaît une série géométrique ! Ainsi :

    \[-\ln\left(1-t\right)\leqslant t+\frac{t^{2}}{2}+\frac{t^{3}}{3\left(1-t\right)}\]

comme souhaité.


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