Il existe deux formules de moyenne pour les intégrales.
Elles sont attribuées au mathématicien Pierre-Ossian Bonnet (1819 – 1892).
On se propose de les énoncer, de les établir et d’en donner des exemples significatifs d’utilisation.
Des versions plus fortes de ces résultats existent dans la littérature, mais on a choisi ici de privilégier la simplicité à la généralité.
Première formule de la moyenne
On suppose que et sont des applications continues d’un segment dans
Proposition 1
Si est positive, alors il existe tel que :
Notons respectivement et le minimum et le maximum de Pour tout :
donc, comme est positive :
puis, par croissance de l’intégrale :
Supposons non identiquement nulle, ce qui entraîne , car est continue et positive. Alors :
et le TVI garantit l’existence d’un réel tel que :
ce qui donne la conclusion. Et cette conclusion est évidente dans le cas où est l’application nulle !
Remarque 1
On peut remplacer l’hypothèse positive par de signe constant. Si est à valeurs négatives, il suffit en effet d’appliquer ce qui précède au couple
En outre, la continuité de n’a pas servi : on peut se contenter de supposer que est continue par morceaux, ou même seulement Riemann-intégrable.
Remarque 2
En choisissant pour la fonction constante égale à 1, on obtient pour toute application continue , l’existence d’un réel tel que :
Le membre de gauche de cette égalité est appelé la valeur moyenne de (voir la fin de cette note).
Seconde formule de la moyenne
On suppose toujours que et sont des applications d’un segment dans
Proposition 2
Si est décroissante et positive et si est continue par morceaux (ou seulement Riemann-intégrable), alors il existe tel que :
Preuve simplifiée n° 1
➡ Supposons en outre
L’application :
est continue et de plus :
donc (TVI) :
Remarque
Sans hypothèse de positivité pour on peut considérer plutôt :
et observer (grâce à la décroissance de et à la positivité de que :
Le TVI appliqué à (qui est continue !) montre alors qu’il existe tel que c’est-à-dire :
Preuve simplifiée n° 2
➡ Supposons en outre de classe et continue.
Posons Comme est continue, est de classe et Après intégration par parties :
Comme est de signe constant, la première formule de la moyenne s’applique. Il existe tel que :
et donc :
Si comme est décroissante et positive, alors et la formule à établir est évidente.
Sinon :
Comme la quantité entre crochets est comprise entre et D’après le TVI, il existe donc tel que :
comme souhaité.
Preuve simplifiée n° 3
➡ Supposons en outre continue.
Etant donné notons pour tout :
Les nombres , qui forment une subdivision régulière du segment , devraient d’ailleurs être notés , car ils dépendent aussi de … mais on ne va pas alourdir les notations. Posons aussi :
et montrons que :
()
Pour tout :
donc :
Comme est uniformément continue (d’après le théorème de Heine), étant donné il existe tel que :
Ainsi, dès que :
donc :
et la relation est établie.
Par ailleurs, en notant
une transformation d’Abel donne :
Notons et le minimum et le maximum de Vu que est positive :
et vu que est décroissante, on a pour tout :
donc (sommation télescopique) :
En passant à la limite et d’après :
Si alors et la formule à démontrer est évidente. Et sinon :
donc, d’après le TVI, il existe tel que
ce qui donne la conclusion.
Preuve du cas général
Rappel : on suppose décroissante positive et continue par morceaux (ou seulement Riemann-intégrable).
Nous allons constater que la relation de la preuve simplifiée n° 3 reste vraie. En gros, on perd l’uniforme continuité de mais on a toujours celle de
Pour tout :
Notons, pour tout :
Comme est uniformément continue (d’après le théorème de Heine) : Or, d’après ce qui précède :
On retrouve ainsi et l’on conclut ensuite comme à la preuve simplifiée n° 3.
Deux exemples d’utilisation
➡ Exemple 1
Soit On considère une application continue , une application continue et périodique et l’on s’intéresse au calcul de :
Pour tout posons :
Le changement de variable donne :
puis, d’après la relation de Chasles :
Nouveau changement de variable … On pose dans la ème intégrale :
et comme est périodique :
A présent, on suppose de signe constant et on applique la première formule de la moyenne : pour chaque il existe tel que
de sorte que :
On reconnaît que est une somme de Riemann attachée à sur et donc, d’après le théorème de convergence des sommes de Riemann :
Si n’est pas de signe constant, on peut néanmoins trouver tel que soit de signe constant (il suffit de choisir On voit alors que :
Bref, il est maintenant établi que :
Remarque
Le lecteur pourra démontrer en exercice une formule un peu plus générale, à savoir que si est définie sur (au lieu de on obtient en fin de compte :
ce qui constitue une jolie généralisation du lemme de Riemann-Lebesgue !
A titre d’exemple :
En effet, l’application est périodique de valeur moyenne égale à et par ailleurs :
➡ Exemple 2
Soit continue telle que l’intégrale soit semi-convergente. Pour tout posons :
Montrons que est bien définie et continue.
est bien défini par hypothèse. Et pour l’intégrale existe d’après le critère de Cauchy. En effet, étant donné il existe tel que pour tout :
Donc, d’après la seconde formule de la moyenne (le cas simplifié n° 2 suffit), dès que il existe tel que :
d’où :
Désormais, posons pour tout et tout :
Comme est continue alors chaque aussi. Si l’on montre que la suite converge uniformément sur vers il en résultera que est continue. On utilise pour cela le critère de Cauchy uniforme. Pour tout tel que et pour tout :
où Ainsi :
d’où le résultat annoncé.
Un cas particulier célèbre est celui où :
On sait que l’intégrale impropre est semi-convergente et ce qui précède montre que :
Mais on peut aussi dériver sous le signe somme (justification à la charge du lecteur) … Pour tout :
Il en résulte qu’il existe tel que :
Comme :
on voit que :
et donc Pour finir, grâce à la continuité en de il vient :
Remarque 1
Dans ce calcul, il était essentiel de prouver la continuité de en On aurait pu établir la continuité de sur à moindre frais, car il suffit de prouver la convergence uniforme de la suite sur pour tout ce qui s’obtient par une majoration directe. En effet, pour tout et tout :
Mais bien sûr, cela ne permet pas de calculer l’intégrale de Dirichlet …
Remarque 2
Si, dans l’énoncé de l’exemple 2, l’hypothèse de semi-convergence de l’intégrale impropre est remplacée par l’hypothèse plus forte d’absolue convergence, la continuité de est beaucoup plus simple à établir. En effet, pour tout et pour tout :
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L’exemple 1 est une question classique mais qui est super traitée .
Super et continuez !
C’est un plaisir de lire vos articles