Le calcul intégral apparaît (modestement) dans le programme de terminale scientifique.
L’objet de cet article est de présenter cette notion, en essayant de dégager l’idée géométrique sous-jacente, puis de détailler quelques exemples simples de calculs.
Le lien entre les points de vue géométrique (aire « sous la courbe ») et analytique (primitives) est abordé de façon non rigoureuse (mais intuitive) à la dernière section.
Si vous cherchez plutôt un texte « utilitaire », avec seulement quelques exemples de calculs, rendez-vous directement à la section 4 (mais je vous invite à revenir ultérieurement, pour lire l’article dans son ensemble).
Le moment venu, lorsque vous serez prêt(e), une fiche d’exercices entièrement corrigés vous attend !
1 – De quoi s’agit-il ?
Une intégrale se présente sous la forme :
ce qui se lit : intégrale de a à b de f(x).
On peut prononcer ou non le « dx », c’est au choix… mais il faut le noter.
Dans cette écriture :
- désignent des nombres réels; ce sont les bornes de l’intégrale,
- désigne une fonction, supposée continue sur un intervalle contenant et
Si cette intégrale mesure l’aire (algébrique) du domaine limité par le graphe de l’axe des abscisses et les deux droites verticales d’équation et
L’adjectif « algébrique » signifie que l’aire est comptée positivement si le graphe de est situé « au-dessus » de l’axe des abscisses et négativement dans le cas contraire.
Vers la fin du 17-ème siècle, à l’époque de Newton et Leibniz, on aurait dit que le symbole désigne une « variation infinitésimale de l’abscisse » et que l’aire du « rectangle infinitésimal » de côtés et est égale au produit
Quant au symbole c’est le vestige de la lettre S, initiale du mot somme.
En effet, l’idée de base était que :
L’aire du domaine limité par le graphe de l’axe des abscisses et les droites d’équations et est la « somme infinie » des aires de rectangles « infinitésimaux ».
L’illustration dynamique ci-dessous peut aider à comprendre cette idée. On y voit une collection de rectangles associés à une subdivision régulière de l’intervalle d’intégration.
Approximation d’une intégrale par une somme d’aires de rectangles
En déplaçant le curseur de la souris (ou du trackpad) latéralement au-dessus de l’image, on augmente ou l’on diminue le nombre n de « tranches ».
On note I la valeur exacte et A la somme des aires des rectangles.
Plus n est élevé, meilleure est l’approximation de l’intégrale par la somme (algébrique) des aires des rectangles. Autrement dit, l’écart tend vers 0 lorsque n tend vers l’infini.
Une présentation moderne (et rigoureuse) de ces idées repose sur les notions de borne supérieure et de limite. Cet article étant de niveau élémentaire, nous n’irons pas plus loin dans cette direction.
2 – Notion de primitive
Je présume que vous savez calculer la dérivée d’une fonction (pourvu qu’elle soit dérivable … et pas trop moche) : on enseigne cela dès la classe de première.
La primitivation est l’opération inverse :
On appelle primitive d’une fonction toute fonction dérivable dont la dérivée est
Attention de bien dire une primitive (et non pas la primitive). En effet, en ajoutant une constante arbitraire à on trouve encore une primitive de De ce fait, si la fonction possède une primitive, alors elle en possède fatalement une infinité !
Exemple
La dérivée de est
Par conséquent, une primitive de est (et en est une autre, tout comme
Il est pratique de consigner les principales primitives connues dans un tableau à deux lignes : chaque colonne comporte deux fonctions, celle du bas étant une primitive de celle du haut.
Le tableau de primitives ci-dessous est modeste, mais c’est un bon début :
Dans la première colonne, l’entier est supposé positif ou nul. La formule reste valable pour un entier négatif, à condition qu’il soit différent de -1 et que l’intervalle de définition de la fonction ne contienne pas 0. Cette formule reste d’ailleurs valable pour une classe plus étendue d’exposants (la colonne 2 correspond au cas où ). Pour aller plus loin, on pourra consulter cet article, où sont définies les fonctions puissances d’exposant quelconque.
3 – Petite digression pour les curieux
Ce qui précède peut sembler assez simple, mais il y a un hic …
Le calcul explicite des primitives d’une fonction n’est pas toujours faisable explicitement, à l’aide des fonctions dites « usuelles ».
On peut même dire qu’il est généralement infaisable …
Comprenons-nous bien : n’importe quelle fonction continue (sur un intervalle) possède des primitives (en terminale, on peut se contenter d’admettre ce théorème, car sa démonstration nécessite un bagage plus important). Mais on n’est pas sûr de savoir expliciter une telle primitive à l’aide des fonctions dites « usuelles » (polynômes, sinus et cosinus, exponentielle et logarithme, plus éventuellement quelques autres…) et de leurs composées.
Par exemple, on ne sait pas calculer explicitement de primitive pour la fonction
Vous doutez de cette affirmation ? Essayez… Vous verrez que vous ne parviendrez à rien.
A ce sujet, voici l’erreur classique du débutant :
ATTENTION : calcul FAUX !
On sait que la dérivée de est
Une primitive de est donc la fonction
Jusqu’ici, aucun doute possible.
Tentons maintenant une analogie…
En dérivant on trouve la fonction
Par conséquent, la fonction serait une primitive de
Soyons prudents et vérifions …
On dérive en utilisant la formule de dérivation d’un quotient :
On obtient ainsi :
Manifestement, ça ne marche pas ! On ne retrouve pas
Mais alors, où est l’erreur ?
En fait, on a raisonné comme si le facteur était constant !
Si est une primitive de alors est une primitive de ( désigne une constante réelle). Mais si est remplacé par avec pour une fonction dérivable, alors ce n’est plus la même chose. On doit utiliser la formule de dérivation d’un produit :
Nous ne sommes pas parvenus à primitiver explicitement
Il y a une bonne raison à cela : on peut prouver l’impossibilité d’expliciter une telle fonction au moyen des fonctions usuelles… mais çà, c’est une autre paire de manches !!
Sans compter qu’il faudrait commencer par formuler avec précision ce que signifie cette impossibilité.
Fin de la digression, revenons à nos moutons…
4 – Exemples de calculs d’intégrales
Pour calculer l’intégrale il suffit de connaître une primitive de de l’évaluer en et en puis de faire la différence.
Autrement dit :
Cette différence se note aussi On l’appelle la variation de entre et .
Pour expliquer proprement d’où provient l’égalité encadrée, encore faudrait-il avoir donné au préalable une vraie définition de la notion d’intégrale (ce qui n’a pas été fait ici). Néanmoins, en se fondant sur l’interprétation géométrique (aire du domaine « sous le graphe »), on peut tenter une justification (peu rigoureuse, mais c’est mieux que rien) : voir section 6, en fin d’article.
Détaillons cinq exemples simples.
Exemple 1
On sait que la dérivée de est
On en déduit qu’une primitive de est Ainsi :
Exemple 2
On sait que la dérivée de est Une primitive de est donc
On voit ainsi que :
Exemple 3
On sait que, si est dérivable et strictement positive, alors une primitive de la fonction est la fonction Par conséquent :
Exemple 4
On peut transformer l’expression en utilisant la formule de linéarisation :
On voit ainsi que :
Exemple 5
Une astuce va faciliter la primitivation de la fonction
On observe que, pour tout :
Il est alors clair que :
5 – Règles de calcul
Afin de pouvoir manipuler des intégrales, il est indispensable de connaître les quatre propriétés suivantes. Il en existe d’autres, mais on peut considérer qu’il s’agit là des propriétés de base.
Dans ce qui suit, et sont deux réels tels que .
1 – Linéarité
Si et sont continues sur et si alors :
Autrement dit :
- l’intégrale d’une somme de deux fonctions est égale la somme des intégrales (faire ci-dessus)
- l’intégrale du produit d’une fonction par une constante est égale au produit de cette constante par l’intégrale de cette fonction (remplacer par la fonction nulle).
2 – Positivité
Si est continue sur et si pour tout , alors :
3 – Croissance
En combinant linéarité et positivité, on voit aussitôt que si et sont continues sur et si pour tout alors :
4 – Relation de Chasles
Si et si est continue sur alors :
Remarque
En accord avec la relation de Chasles, on peut étendre la notation sans faire d’hypothèse sur les positions relatives des bornes. On considère que :
- si alors
6 – Une justification intuitive
Expliquons dans cette dernière section, de manière non rigoureuse, la formule :
()
où désigne une primitive de la fonction continueSi l’on note l’aire du domaine limité (à gauche) par la droite d’équation et (à droite) par celle d’équation alors la dérivée de la fonction s’obtient en calculant la limite d’un taux d’accroissement :
Le numérateur représente l’aire d’une région qui, lorsque est petit, ressemble à s’y méprendre à un rectangle dont les côtés mesurent et
Autrement dit, lorsque est petit : . En passant à la limite (lorsque ), on trouve finalement l’égalité :
valable pour tout Bref, est une primitive de
Si l’on considère que représente l’aire du domaine qui s’étend de l’abscisse jusqu’à l’abscisse alors :
Enfin, si désigne une primitive quelconque de on sait que et diffèrent d’une constante : il existe un réel tel que pour tout
De ce fait, et vu que :
La formule est ainsi justifiée.
J’espère que cet article d’introduction vous aura été utile.
N’en restez pas là ! Apprenez à intégrer par parties en lisant cet article et cherchez dès maintenant des exercices pour vous entraîner à calculer des intégrales.
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Dans la partie « 2 – Notion de primitive », on rencontre un tableau de quelques fcts usuelles et leurs primitive, or une primitive de ln(x) n’est en aucun cas 1/x
Bien vu ! Cela fait pourtant un bout de temps que cette coquille grossière traîne ici. Merci de me l’avoir signalée. Je corrige tout de suite.
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Merci pour ce sympathique commentaire 🙂 Content que ce travail vous soit utile.