1 – Diviseurs et multiples, vite fait
Avant toute chose, je vous propose de revisiter le B-A-BA concernant les notions de diviseurs et de multiples d’un nombre entier.
Vous connaissez probablement tout ça, mais c’est juste pour être sûr 🙂






Les trois affirmations :
est un multiple de
est un diviseur de
divise
expriment une seule et même propriété, que l’on note .
Dans le cas contraire, on note
Dans la définition ci-dessus, on insiste sur le caractère entier de : si l’on autorisait pour
n’importe quelle valeur réelle, la notion perdrait tout intérêt. On peut, en effet, toujours écrire des égalités du type
mais il ne faut pas conclure pour autant que
est multiple de
…
Exemples :
puisque
puisque
En revanche : car
trop petit … et
trop grand … !
On observera que :
- 0 ne divise aucun entier hormis lui-même
- 1 et -1 sont des diviseurs de tout entier
Par ailleurs, on prouve aisément les propriétés suivantes :
- Tout entier
vérifie
- Si deux entiers
vérifient
et
alors
ou
- Si trois entiers
vérifient
et
alors
Pour les amateurs de concepts abstraits, la première et la troisième affirmation ci-dessus expriment respectivement la réflexivité et la transitivité de la relation de divisibilité dans l’ensemble
Quant à la seconde affirmation, elle dit que deux entiers qui se divisent mutuellement sont nécessairement égaux ou opposés.
En se plaçant dans au lieu de
(c’est-à-dire en ne considérant que des entiers positifs ou nuls), les choses “s’arrangent” :
→ Si deux entiers naturels vérifient
et
alors
On parle, pour traduire cela, d’antisymétrie de la relation de divisibilité dans
Cette propriété est à rapprocher des deux suivantes, certainement bien connues :
- si deux nombres réels
vérifient
et
alors
- si deux ensembles
vérifient
et
alors
Lorsqu’on s’intéresse aux diviseurs d’un entier on peut se limiter aux diviseurs positifs puisque
équivaut à
D’où la convention suivante :
Dans toute la suite, et sauf avis contraire, lorsqu’on écrira “diviseur”, il faudra comprendre “diviseur positif”.
Par exemple, les diviseurs de 48 sont au nombre de dix. Les voici dans l’ordre croissant :
Quant à 17, ses seuls diviseurs sont 1 et 17, ce qu’on exprime en disant que 17 est premier (pour en savoir davantage sur les nombres premiers, on pourra consulter cet article).
Quelques “Vrai ou Faux” pour voir si vous suivez…
- 54 possède plus de diviseurs que 24.
- 7 est un diviseur de 343.
- 1001 est un nombre premier.
- il existe des entiers naturels possédant exactement trois diviseurs.
- si un entier
divise simultanément deux entiers
et
alors
- la somme des diviseurs de 512 est inférieure à 1000.
Les réponses sont regroupées en fin d’article.
Une autre manière d’exprimer que est multiple de
consiste à dire que le reste de la division de
par
est nul.
Par exemple, 128588 est divisible par 17 comme on le voit en posant la division (le reste est nul) :
Maintenant, posons-nous la question :
Par exemple, si 5 enfants souhaitent se partager équitablement 165 billes, ils peuvent vérifier que c’est possible en posant la division : comme alors 165 est multiple de 5 et chaque enfant recevra 33 billes.
Mais pour se convaincre que le partage équitable est possible, ils peuvent aussi observer que l’écriture décimale de 165 se termine par un ‘5’.
Vous saviez cela.
Mais sauriez-vous l’expliquer ?

avec des entiers, tous compris entre 0 et 9. En posant
cette égalité prend la forme plus concise :
Si
est multiple de 5, disons
alors
aussi puisque :
Mais puisque ceci impose
ou bien
Réciproquement, si
alors :
et si alors :
On voit ainsi l’équivalence entre les deux énoncés :
est multiple de 5
ou
Et ceci se généralise à des entiers naturels quelconques (pas seulement ceux dont l’écriture décimale comporte quatre chiffres !). C’est ce que dit la proposition suivante :


ce qui se lit : “ est multiple de 5 si, et seulement si, son chiffre des unités est 0 ou 5″.
Maintenant, mettons en place un peu de théorie et nous reprendrons la question [Q] à la section 4.
2 – Un mot sur les congruences
Imaginons un fil infiniment long, sur toute la longueur duquel sont placées de petites perles, régulièrement espacées :
A côté de chaque perle, on inscrit un nombre entier : l’une des perles porte le numéro 0 et, en parcourant le fil dans un sens à partir de cette position, on voit défiler les entiers positifs 1, 2, 3, etc …
Dans le sens inverse, ce sont les entiers négatifs -1, -2, -3, etc … qui apparaissent :
Imaginons maintenant un fil hélicoïdal :
Disposons les perles sur cette hélice, de telle sorte qu’elles soient toutes sur une même verticale :
A présent, aplatissons notre fil hélicoïdal en le projetant sur un plan horizontal.
Fatalement, les perles vont toutes se retrouver au même endroit :
Et maintenant, multiplions par 5 la densité des perles sur le fil hélicoïdal :
Cette fois, on observe en projection cinq zones de regroupements pour les perles… c’est-à-dire pour les entiers relatifs.
Les entiers …, -5, 0, 5, … seront tous regroupés au même endroit.
Même chose pour …, -4, 1, 6, … tout comme pour …, -3, 2, 7, … et aussi pour …, -2, 3, 8, … et enfin pour …, -1, 4, 9, …
Lorsque deux entiers se retrouvent au même endroit du cercle, on dit qu’il sont congrus l’un à l’autre modulo 5.
Cela signifie que la longueur de fil qui sépare les perles correspondantes est un multiple de la circonférence, autrement dit que la différence entre ces deux entiers est un multiple de 5.
On peut bien sûr généraliser, en remplaçant 5 par un quelconque entier …
Et hop ! On peut maintenant donner la :








C’est ainsi que, par exemple :
- La première congruence résulte de
- La seconde résulte de
- La troisième résulte, quant à elle, de
Lorsqu’on effectue la division euclidienne d’un entier par un entier
on écrit :
Il est alors clair que
Mais attention à la réciproque ! Si trois entiers (avec
vérifient
on ne peut pas en déduire que
est le reste de la division euclidienne de
par
C’est toutefois le cas si l’on ajoute l’hypothèse
Terminons cette section en présentant les règles de “compatibilité” de la congruence modulo avec l’addition et la multiplication.
f9ecf2
Etant donné


alors :
Preuve –
Par hypothèse, il existe des entiers tels que
et
En ajoutant membre à membre ces deux égalités, il apparaît que :
ce qui donne la conclusion.
Autrement dit, on peut ajouter membre à membre deux congruences, mais modulo un même entier !
Bien entendu, cela fonctionne tout aussi bien avec un nombre quelconque de congruences (toujours modulo un même entier).
En symboles, si et
sont des entiers tels que, pour un certain
:
alors :
Si vous n’êtes pas à l’aise avec le symbole je vous suggère d’aller faire un petit tour par ici
Règle 2 – Compatibilité avec la multiplication
Etant donné et
si
alors :
Preuve –
Par hypothèse, il existe des entiers tels que
et
Il s’ensuit que :
ce qui donne la conclusion.
On peut donc multiplier membre à membre des congruences modulo un même entier.
Plus généralement, l’hypothèse :
entraîne :
Et en particulier, si alors
pour tout exposant
donc :
et donc (en élevant à la puissance quatrième) :
Par ailleurs :
donc :
A présent, si l’on combine les relations et
on obtient :
ce qui signifie que le cinquième nombre de Fermat est multiple de 641 et, en particulier, qu’il n’est pas premier. Pierre de Fermat (1601 (?) – 1665) avait conjecturé – à tort – que les nombres de la forme
sont premiers pour tout
C’est à Leonhard Euler (1707 – 1783) que l’on doit le contre-exemple ci-dessus. Il aura juste fallu attendre environ un siècle entre les deux …
3 – Un mot sur l’écriture décimale des entiers positifs
A l’école, nous avons tous appris à écrire les nombres (entiers positifs) en utilisant les dix chiffres, de 0 à 9.
De manière précise, la possibilité pour n’importe quel d’être représenté par son écriture décimale ou – plus généralement – dans une quelconque base de numération, constitue un théorème important dont voici l’énoncé :


avec :
- Pour tout
est un entier compris entre 0 et
inclus.
En outre, cette écriture est unique.
Les entiers sont appelés les chiffres de l’écriture de
en base
Pour les curieux, j’ai réalisé deux petites vidéos dans lesquelles :
- ce théorème est expliqué et illustré d’exemples (vidéo 1) puis démontré rigoureusement (vidéo 2)
- l’algorithme de conversion qui en découle est expliqué en Python.
Vous pouvez visionner ces vidéos dès maintenant, si vous le souhaitez.
Ce théorème va nous servir, dès la section suivante, à formuler et / ou démontrer certaines règles de divisibilité.
4 – Règles usuelles de divisibilité
Abordons à présent le cœur du sujet.
J’en vois qui rouspètent … “c’était bien long avant de démarrer !!…”.
C’est un peu vrai, mais il fallait bien rassembler les outils appropriés pour aborder sereinement ces questions.
Etant donné un entier nous disposons de son écriture décimale (voir section précédente) :
avec les chiffres
dans
et
Tout d’abord, énonçons quelques règles, sans démonstration.
Trois règles portant sur le chiffre des unités seulement
- [
]
est divisible par 10 si, et seulement si
- [
]
est divisible par 2 si, et seulement si
l’est, c’est-à-dire si
- [
]
est divisible par 5 si, et seulement si
l’est, c’est-à-dire si
Une règle portant sur les deux derniers chiffres
- [
]
est divisible par 4 si, et seulement si
l’est, c’est à dire si l’entier formé par le chiffre des dizaines et celui des unités est multiple de 4.
Une règle portant sur les trois derniers chiffres
- [
]
est divisible par 8 si, et seulement si
l’est, c’est à dire si l’entier formé par le chiffre des centaines, celui des dizaines et celui des unités est multiple de 8.
Trois règles portant sur l’ensemble des chiffres
- [
]
est divisible par 3 si, et seulement si
l’est.
- [
]
est divisible par 9 si, et seulement si
l’est.
- [
]
est divisible par 11 si, et seulement si
l’est (autrement dit si la somme alternée des chiffres est multiple de 11).
L’intérêt de ce genre de critère est clair : ils nous permettent de savoir si un entier est multiple de 3 (ou de 9, ou de 11, etc…) en effectuant considérablement moins de calculs que si l’on posait la division. Et cet écart est d’autant plus marqué que l’écriture décimale de l’entier testé comporte davantage de chiffres.
Pour les preuves des règles [ ] et [
], je vous renvoie à la fiche n° 1 sur la divisibilité.
La règle [ ] est démontrée à la section suivante (n’y allez pas tout de suite ! Cherchez un peu :-)).
Les autres règles sont très simples à démontrer.
5 – L’affaire 1001
Tout d’abord, un constat :
Nous allons nous appuyer sur cette égalité pour élaborer deux tests de divisibilité, l’un par 7 et l’autre par 13.
Considérons un entier positif et son écriture en base 1000.
C’est vrai que, dit comme ça, c’est un peu étrange … Mais après tout, le théorème énoncé à la section 3 est valable en particulier pour .
On écrit donc :
Les entiers sont tous compris entre 0 et 999 inclus.
Ce sont les chiffres de l’écriture de en base 1000. Par exemple, si
(écriture décimale), alors
et :
On forme donc simplement des “paquets” en groupant, de droite à gauche, les chiffres trois par trois. Le “paquet” le plus à gauche comporte, selon le cas, un, deux ou trois chiffres.
Mais revenons au cas général. Comme on déduit de
que :
Et l’on peut faire exactement le même calcul modulo 13, puisque
Il en découle les deux règles suivantes :
- [
]
est divisible par 7 si, et seulement
l’est
- [
]
est divisible par 13 si, et seulement
l’est
Voyons un exemple. Considérons l’entier pour lequel
et
Calculons :
Comme on peut affirmer que
est multiple de
et de
Encore un exemple, avec
Cette fois, et :
donc :
ce qui prouve que est multiple de 7 (mais pas de 13, puisque
Un dernier mot à ce sujet : la congruence est aussi vraie. Alors pourquoi ne pas énoncer un test similaire de divisibilité par
?
Tout simplement parce qu’il y a plus simple. Il suffit de voir que et donc, en utilisant l’écriture décimale :
on voit que :
ce qui donne la règle énoncée à la fin de la section précédente.
6 – Les tests itérés
Etant un donné un entier naturel notons
le nombre des dizaines et
le chiffre des unités, de sorte que
Par exemple si alors
et
On décrit ici un ensemble de règles ayant en commun de ramener la question “ est-il divisible par
” à la question “
est-il divisible par
“, où
désigne un entier convenablement choisi et qui dépend de
J’ai adopté la terminologie de “tests itérés” car, en principe, on aura ce qui va nous conduire à itérer le mécanisme, c’est-à-dire à construire une séquence décroissante d’entiers :
tels que :
et pour tout :
L’idée est que soit assez petit pour que la question de savoir s’il est divisible par
soit évidente.
Si connaissez une dénomination officielle pour ce type de règle, je vous remercie par avance de m’en informer (en passant par exemple par le formulaire de contact).
Avant de présenter cette méthode dans le cas général, examinons quatre cas particuliers (divisibilité par 7, par 13, par 17 ou par 19) :
Le cas
On constate que :
d’où l’on déduit que si alors
Par ailleurs :
d’où l’on déduit que si alors
Ainsi :
Exemple :
or et donc
Remarque : lorsque l’un des entiers de la séquence se termine par un 0, on peut directement supprimer ce chiffre et passer à l’entier suivant (ici, de 560 à 56). En effet, et
sont premiers entre eux, donc
pour tout entier
.
Le cas
On constate que :
d’où l’on déduit que si alors
Par ailleurs :
d’où l’on déduit que si alors
Ainsi :
Exemple :
or et donc
Remarque – A partir de l’entier 26, l’itération de produit rien de neuf, puisque
Le cas
On constate que :
d’où l’on déduit que si alors
Par ailleurs :
d’où l’on déduit que si alors
Ainsi :
Exemple :
or et donc
Le cas
On constate que :
d’où l’on déduit que si alors
Par ailleurs :
d’où l’on déduit que si alors
Ainsi :
Exemple :
or et donc
Plus généralement, si est un entier premier avec
alors l’identité de Bézout garantit l’existence de deux entiers relatifs
tels que
On voit alors que :
ce qui montre déjà que
Par ailleurs :
ce qui prouve l’implication réciproque. Bref :
Bien entendu, ceci n’a d’intérêt que si l’entier testé est remplacé par un entier plus petit, c’est-à-dire si :
condition qui est effectivement remplie dans chacun des quatre cas détaillés plus haut.
7 – Annexe : Réponses aux Vrai / Faux
C’est FAUX, il en possède autant !
Diviseurs de :
Diviseurs de :
D’une manière générale, étant donné un entier on peut le décomposer en produit de nombres premiers :
où sont des nombres premiers tous distincts et où
et
sont des entiers naturels non nuls.
Avec ces notations, le nombre de diviseurs de est donné par le produit :
Ainsi, comme :
et comme :
C’est VRAI, puisque :
C’est FAUX. On constate que :
Le test de divisibilité par ou par
permettait de le découvrir, puisque la somme alternée des chiffres en base
est nulle (voir section 5) !
C’est VRAI. En effet, si est un nombre premier et si
alors les diviseurs de
sont les
pour
En particulier, les diviseurs de
sont
et
Les carrés de nombres premiers sont d’ailleurs les seuls entiers qui possèdent exactement trois diviseurs ! En effet, d’après la formule vue plus haut (voir le premier “Vrai ou Faux”), il faut que ce qui impose que l’un des
vaut
et tous les autres valent
autrement dit que
est de la forme
avec
premier.




C’est VRAI. En effet, si et
alors
Tout simplement.
C’est FAUX.
On peut certainement faire le calcul “bêtement”.
Mais on peut aussi observer que et que, par conséquent, les diviseurs de
sont les
pour
En utilisant la formule donnant la somme d’une progression géométrique (programme de première), on trouve :
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout 🙂
J’espère que cet article vous sera utile. N’hésitez pas un poster un commentaire ou une question, vos remarques seront toujours les bienvenues.
Si vous souhaitez chercher des exercices en rapport avec le thème de la divisibilité, vous pouvez jeter un coup d’œil par ici.
errard.serge@sfr.fr
30 Juin 2019toujours très bon mais souhaite d autres domaines d intérêt: ex méthode et tech de recherche de plans stables par un endomorphisme de R”3……….
René Adad
30 Juin 2019Merci pour ce commentaire. Mon prochain article sera donc consacré à une question d’algèbre linéaire 🙂