1 – “Factoriser” … De quoi s’agit-il ?

où est un entier positif et où
…,
sont
nombres réels, appelés coefficients de P.
Si , on dit que
est de degré
Par exemple, en choisissant ainsi que
et
, on obtient, pour tout
:
Ce polynôme est de degré
L’égalité fournit l’expression développée d’un polynôme
Mais un polynôme peut parfois se présenter sous un autre jour …
Considérons la fonction définie pour tout
par :
est un polynôme puisque, pour tout
:




L’intérêt de factoriser un polynôme résulte principalement de deux propriétés de la multiplication des nombres réels :
- Propriété 1 (« intégrité ») : si
sont tels que
alors
ou
- Propriété 2 (« règle des signes ») : si
sont de même signe (tous deux positifs ou nuls, ou bien tous deux négatifs ou nuls), alors
et, s’ils sont de signes contraires, alors
→ La propriété 1 est utile pour déterminer les racines éventuelles d’un polynôme : on résout l’équation en cherchant à factoriser
Précisons que est une racine de
lorsque
→ La propriété 2 permet l’étude du signe d’un polynôme, dès lors qu’on a obtenu une factorisation de celui-ci. Ceci s’avère notamment utile lorsqu’on étudie les variations d’une fonction polynôme : on doit déterminer le signe de sa dérivée (laquelle dérivée est, elle aussi polynomiale !).
2 – Les outils de base
Factoriser un polynôme consiste donc à l’écrire (si possible) comme un produit …
mais de façon « non triviale » !
Clairement, le fait d’écrire n’intéresse pas grand monde…
Trois outils simples sont à notre disposition pour factoriser des polynômes. Nous allons maintenant les présenter …
[Règle 1] – La propriété de distributivité, déjà invoquée plus haut avec le polynôme Q, dit que si sont trois nombres réels quelconques, alors
En lisant cette égalité de droite à gauche, on dit qu’ «on met
en facteur dans l’expression
».
qui sont valables pour tous nombres réels





et l’on peut déterminer par identification des coefficients (voir exemple 3 ci-dessous).
Examinons quelques exemples …
Exemple 1 – Pour factoriser on applique d’abord la distributivité, ce qui donne :
Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin, puisque d’après l’identité remarquable (2), on a . Ainsi :
Exemple 2 – Pour factoriser on effectue une mise sous forme canonique (technique à la base de la résolution des équations du second degré), ce qui consiste à modifier l’écriture de
pour faire apparaître une différence de deux carrés :
On utilise alors l’identité remarquable (2) :
Exemple 3 – Pour factoriser on observe que
Il est donc possible de mettre
en facteur :
où et
sont à préciser. Le calcul de ces trois coefficients se fait par identification. Cette technique, qui repose sur l’unicité de la liste des coefficients d’un polynôme, permet d’affirmer que
Ce système se résout aisément et l’on obtient :
Ainsi :
Ce n’est pas tout à fait fini, puisque le trinôme se factorise à son tour (voir exemple 2 pour la méthode) :
En conclusion :
Exemple 4 – Pour factoriser on peut commencer avec l’identité remarquable (2) :
Pour aller plus loin, il faut savoir factoriser et
On peut observer que et
ce qui permet de factoriser
par
et
par
Les détails sont laissés au lecteur 🙂
On trouve au final :
et cette factorisation ne peut pas être améliorée, car aucun des deux trinômes et
ne possède de racine réelle.
Cette dernière affirmation se justifie par le fait que, pour tout :
et argument analogue pour (on peut aussi calculer les discriminants de ces deux trinômes et constater qu’ils sont, l’un comme l’autre, strictement négatifs).
3 – D’autres identités remarquables
Dans l’exemple 4 ci-dessus, nous avons factorisé sous la forme :
en exploitant le fait que est une racine de
ce qui nous a permis de mettre
en facteur d’un certain trinôme, lequel trinôme a ensuite été obtenu par identification.
Nous aurions pu invoquer l’identité remarquable suivante, valable pour tous réels :
Nous pouvons, par exemple, appliquer pour factoriser
En effet :
On peut pousser le curseur un cran plus loin, en signalant la généralisation suivante de l’identité qui donne une factorisation pour la différence de deux puissances
èmes (l’entier
est supérieur ou égal à
) :
La somme qui apparaît en facteur de est composée de
termes : le premier est
et les suivants sont obtenus en réduisant progressivement l’exposant de
tandis que l’exposant de b est progressivement augmenté. Par exemple, pour
:
et pour n=5 :
et ainsi de suite …
Ceux qui sont habitués à la notation pourront ré-écrire la formule
ainsi :
4 – Factoriser en utilisant le “test des racines rationnelles”
Dans l’exemple 3, nous avons « observé » que On peut raisonnablement considérer que ça saute au yeux … Et puis, lorsqu’on cherche à factoriser un polynôme à coefficients entiers, la première chose qu’on fait généralement consiste à l’évaluer en
ou en
et peut-être aussi en d’autres petits entiers, en espérant mettre la main sur une racine et commencer ainsi le processus de factorisation.
Considérons maintenant le cas de
On peut essayer patiemment :
Point de racine en vue 🙁
Peut-être ce polynôme ne possède-t-il aucune racine réelle ? Ou alors seulement des racines irrationnelles ?
Ou peut-être existe-t-il des racines rationnelles (mais bien cachées …) ? Et si oui, comment les trouver ?
C’est là qu’intervient le « test des racines rationnelles ». En voici l’énoncé :
Soit

où les coefficients sont tous entiers. On suppose
et
non nuls.
Si possède une racine rationnelle
avec
entier naturel,
entier relatif non nul et de plus
et
premiers entre eux (ce qui signifie que la fraction
est irréductible), alors
est un diviseur de
et
est un diviseur de
ce qu’on note comme ceci :
Nous n’allons pas démontrer ce résultat ici (sa preuve se trouve dans tous les cours standards d’arithmétique; elle repose pour l’essentiel sur le théorème de Gauss, qui affirme que si un entier divise le produit
de deux entiers et si
et
sont premiers entre eux, alors
divise
).
En revanche, nous allons nous en servir pour déterminer les éventuelles racines rationnelles de
La condition nécessaire s’écrit :
ce qui laisse assez peu de possibilités :
Les éventuelles racines rationnelles de figurent donc parmi les nombres suivants :
Muni d’une calculette ou d’un ordinateur, on peut rapidement tester chacune de ces huit valeurs … et constater que la seule racine rationnelle de est
Et on ne peut pas, raisonnablement, qualifier cette racine d’évidente !
Et maintenant ? La [Règle 3] permet de factoriser par ou, ce qui revient au même, par
Il existe ainsi un polynôme
de degré
tel que, pour tout
:
La dernière étape, quelque peu fastidieuse mais faisable, consiste à calculer les coefficients de par identification. On trouve au final :
J’espère que ce rapide survol vous aura plu 🙂
Toutes vos remarques et / ou questions éventuelles sont les bienvenues !