Cet article présente quelques unes des principales techniques pour étudier les variations d’une fonction numérique et obtenir ensuite un tracé suffisamment précis de son graphe.
Les exemples proposés sont de difficulté variée. La plupart sont accessibles dès la terminale. Quelques uns sont plus élaborés et requièrent davantage de connaissances.
Dans tout ce qui suit, désigne une fonction numérique, c’est-à-dire une fonction de dans .
1 – Domaine de définition
On démarre l’étude de en déterminant les réels pour lesquels l’expression est bien définie. L’ensemble de ces valeurs est appelé le domaine de définition de On peut le noter
Par exemple, le calcul de :
n’est envisageable que si et Il en résulte que :
Et pour que l’expression :
soit bien définie, il est nécessaire et suffisant que les trois conditions suivantes soient simultanément remplies :
Autrement dit :
Exercice 1
Vous pouvez vous entraîner en déterminant les domaines de définition des fonctions suivantes :
2 – Eventuelles symétries
Le graphe de est par définition :
C’est une partie de (qu’on appelle aussi la « courbe représentative » de
Ce graphe peut parfois présenter des symétries. En les détectant à l’avance, on limite l’étude de à une partie de On trace alors une portion du graphe, que l’on complète ensuite pour obtenir le graphe entier, en utilisant la (ou les) symétrie(s) en question.
Les deux symétries les plus simples, auxquelles nous nous limiterons, sont les suivantes :
- symétrie par rapport à une droite « verticale » d’équation pour un certain
- symétrie centrale par rapport à un point
Formalisons cette histoire de symétrie.
Définition
Soit On dit que est symétrique par rapport à lorsque :
Noter que peut ne pas appartenir à Par exemple : est symétrique par rapport à 0.
On peut alors établir la :
Proposition
Soit une partie de symétrique par rapport à et soit une application.
On note le graphe de .
- Si :
- S’il existe tel que :
Donnons deux exemples; un pour chacun des deux scénarios …
Exemple 1
Considérons la fonction définie par :
et vérifions que :
Tout d’abord, modifions l’écriture de en remarquant que :
On voit maintenant que :
Le graphe de présente donc une symétrie par rapport à la droite
d’équation
Précisons que cette droite n’est pas le seul axe de symétrie ! Pour tout la droite d’équation est axe de symétrie.
Exemple 2
Considérons la fonction définie par :
On observe que, pour tout :
Ceci montre que est centre de symétrie pour le graphe de
Ce point est aussi l’unique point d’inflexion du graphe de (voir section 5).
Exercice 2
1°) Vérifier que la courbe d’équation
possède un axe vertical de symétrie.
2°) Vérifier que la courbe d’équation
possède un centre de symétrie.
3 – Périodicité éventuelle
Définition
Une partie de est dite invariante par translation de (pour un certain réel lorsque :
Par exemple, est invariant par translation de 1.
On notera que si est invariant par translation de alors est aussi invariant par translation de quel que soit l’entier
Exercice 3
Sauriez-vous prouver que si est invariant par translation de alors il en va de même pour ?
Exercice 4
On note . Montrer qu’il existe des nombres réels arbitrairement petits tels que soit invariant par translation de
Nous pouvons maintenant définir la notion de fonction périodique.
Définition
Etant donné et une partie de invariante par translation de une application est dite T-périodique lorsque :
Noter qu’on a alors :
et, plus généralement :
Lorsqu’une fonction est périodique, son graphe est invariant par translation de vecteur (et aussi de vecteur et, plus généralement, de vecteur pour tout entier
Trois exemples classiques de fonctions périodiques :
- L’application est périodique ( deux réels donnés).
- L’application est périodique.
- Si l’on pose , alors l’application (appelée fonction tangente) est périodique.
Illustration dynamique
Graphe de
En jouant avec les sliders, on modifie (l’amplitude) , (la pulsation) et (le déphasage). Les touches P (plus) et M (moins) permettent de (dé-)zoomer. Le système de coordonnées peut être translaté en cliquant-déplaçant dans la zone d’affichage.
Exercice 5
Si sont périodiques, peut-on affirmer que est aussi périodique ?
4 – Rôle de la dérivée
On s’intéresse maintenant au sens de variation d’une fonction.
Commençons par préciser le vocabulaire :
Définition
Soit une partie de et soit une application.
➡ est dite croissante lorsque :
pour tout couple tel que
➡ est dite strictement croissante lorsque :
pour tout couple tel que
Définitions analogues pour « décroissante » et « strictement décroissante ».
Enfin, est dite (strictement) monotone si elle est (strictement) croissante ou (strictement) décroissante.
Attention !! Une erreur classique consiste à affirmer que si vérifie
pour tout alors serait croissante. Le contre-exemple ci-dessous explique en quoi cela est incorrect.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Considérons, pour tout l’application :
La dérivée de est donnée :
Supposons Alors :
Par continuité de on en déduit qu’il existe :
- un intervalle centré en 0 tel que pour tout
- un intervalle centré en tel que pour tout
Par conséquent, est strictement croissante sur , strictement décroissante sur et donc pas monotone (sur . Dans le même temps, on observe que :
Donc, si alors :
et donc :
Le résultat suivant est fondamental :
Théorème
Soit un intervalle non trivial et soit une application dérivable.
- Si pour tout alors est croissante.
- Si pour tout alors est strictement croissante.
Bien entendu, si pour tout alors est décroissante. Il suffit d’appliquer le premier point du théorème à .
De même, si pour tout alors est strictement décroissante.
On prouve ce théorème grâce à la formule des accroissements finis :
Soient tels que D’après la formule des accroissements finis :
Sous l’hypothèse on en déduit que et ceci prouve que est croissante.
Et de même, sous l’hypothèse on voit que ce qui montre la stricte croissance de
Ajoutons quelques observations :
- L’hypothèse que est un intervalle n’est pas superflue ! Par exemple, l’application
- La réciproque de est vraie (mais nettement moins utile) : si est croissante alors pour tout
- La réciproque de est fausse. Autrement dit, peut être strictement croissante même si s’annule. Par exemple, l’application est strictement croissante bien que sa dérivée s’annule en Afin de préciser cette remarque, on peut énoncer le :
Théorème
Soit un intervalle non trivial et soit une application dérivable. Alors, les assertions suivantes sont équivalentes :
- est strictement croissante
- et l’ensemble est d’intérieur vide
En particulier, il suffit que soit positive et ne s’annule qu’en un nombre fini de points pour que soit strictement croissante.
Exercice 6
Donner un exemple d’une application dérivable, strictement croissante et dont la dérivée s’annule une infinité de fois.
5 – Convexité
Considérons un intervalle non trivial et une application
Notons toujours le graphe de
Naïvement parlant, est convexe lorsque est « tourné vers le haut » et concave lorsque est « tourné vers le bas ».
Cela dit, une définition rigoureuse de la convexité s’impose. La voici :
Définition
L’application est dite convexe lorsque, pour tout couple d’éléments de et pour tout :
Ajoutons que est dite concave lorsque est convexe, ce qui revient simplement à dire que le sens de l’inégalité est renversé.
Pour en savoir un peu plus, on pourra consulter cette rubrique du lexique Math-OS.
Dans cet article de niveau lycée, nous n’approfondirons pas davantage ce point de vue. L’accent est plutôt mis sur la :
Proposition
Etant donnée deux fois dérivable, les assertions suivantes sont équivalentes :
- est convexe
- pour tout
Comme on peut s’en douter, on a aussi : concave si et seulement si pour tout Il suffit d’appliquer la proposition ci-dessus à
Lorsque la dérivée seconde de s’annule et change de signe pour le graphe de change de concavité. On dit que est un point d’inflexion pour Sur l’illustration ci-dessous, on en dénombre sept :
Comme on peut le voir, traverse localement sa tangente en un point d’inflexion.
Exercice 7
Si sont convexes, peut-on affirmer que est aussi convexe ?
6 – Branches Infinies
Examinons l’application :
Lorsque est « très grand », on comprend intuitivement que la valeur de l’expression quoique certainement très élevée, ne fait pas le poids devant le terme considérablement plus grand.
Grosso modo, le numérateur se comporte comme lorsque tend vers De la même manière, le dénominateur se comporte comme de sorte que doit se comporter comme
A présent, rendons cela rigoureux …
En mettant le terme prépondérant en facteur, au numérateur comme au dénominateur, on peut écrire sous la forme :
c’est-à-dire :
On dit que équivaut à lorsque tend vers (pour exprimer que le quotient de ces deux quantités tend vers ce qui se note :
Afin de préciser davantage le comportement de pour les grandes valeurs de on s’intéresse maintenant à la différence :
Par un calcul similaire, on voit que :
On regarde alors :
d’où l’on déduit :
Il est temps de donner une :
Définition
Etant donnée une application s’il existe un couple tel que :
On dit que la droite d’équation est asymptote au graphe de en
Si on dit que est une asymptote oblique et l’on parle d’asymptote horizontale si
Afin de préciser les positions relatives de et
(c’est-à-dire : « qui est au-dessus de qui »), on devra déterminer le signe de l’expression
Pour revenir à l’exemple de la fonction son graphe présente en une asymptote oblique d’équation
En outre, le calcul a montré que la différence est du même signe que c’est-à-dire positif si et négatif sinon. Ceci donne les positions relatives de et :
- pour est au-dessus de
- pour est en-dessous de
En pratique, étant donnée une fonction telle que que faire pour déterminer l’équation d’une éventuelle droite asymptote ? Voici la recette.
On calcule d’abord :
… si toutefois cette limite existe ! (ce qui n’est pas automatique).
On distingue alors trois cas :
- on dit que présente en une branche parabolique d’axe C’est par exemple le cas lorsque est un trinôme avec ou encore pour
- Si on dit que présente en une branche parabolique d’axe C’est notamment le cas pour ou encore pour
- Si on calcule :
7 – Quelques études détaillées
Dans cette section, on détaille l’étude de quelques fonctions, en mettant à profit les différentes techniques présentées précédemment.
Etude n° 1
Intéressons-nous à :
Cette fonction est bien définie sur puisque pour tout (discriminant
Comme la fonction racine carrée est dérivable sur on voit que est dérivable et que :
Il en résulte que décroît sur croît sur et présente en un minimum absolu :
Le graphe de présente une symétrie d’axe puisque, pour tout :
est convexe, car pour tout :
et cette expression est du même signe que :
Terminons par l’étude du comportement asymptotique. Il est clair que :
Ensuite, pour tout :
d’où
puis :
et donc :
et la différence est positive pour tout Ainsi, la droite d’équation :
est asymptote en au graphe de et est au-dessus de
Etude n° 2
On s’intéresse à présent à :
On calcule, pour tout :
ce qui montre que croît sur décroît sur et croit à nouveau sur
Ensuite :
et donc, si l’on pose :
alors est convexe sur concave sur et convexe sur Son graphe présente deux points d’inflexions, d’abscisses respectives et
La droite d’équation est asymptote à en
présente en une branche parabolique d’axe
Etude n° 3
Considérons la fonction :
qui est définie et dérivable sur Sa dérivée est donnée par :
Elle est donc du signe de :
Or :
Ainsi, décroît sur et croît sur
On calcule ensuite la dérivée seconde :
qui est du signe de :
Or :
Donc est strictement croissante. Comme :
il existe un unique tel que
Par une dichotomie (non détaillée), on trouve à près.
Ainsi, est concave sur et convexe sur Le graphe présente une inflexion au point d’abscisse
Etude n° 4
Dans cet exemple, on va voir apparaître un comportement asymptotique différent de ceux rencontrés plus haut. Posons, pour tout :
Alors :
Cette expression est du signe de donc de car
et le trinôme est de signe constant. Ainsi, est décroissante sur chacun des intervalles et et croissante sur
La dérivée seconde de est donnée par :
Pour cette expression est strictement positive.
Et pour elle est du signe contraire à :
On a donc une inflexion en avec :
Lorsque on voit que Ceci s’interprète en disant que la parabole d’équation est asymptote au graphe de Ajoutons que est au-dessus de pour et en-dessous pour
Etude n° 5
On passe à l’étude des variations de :
Par définition expression bien définie pour tout
La dérivée de est donnée par :
expression du signe de où l’on a posé :
est définie et dérivable sur et pour tout :
Ainsi et donc croît strictement sur ainsi que sur (mais pas sur a priori !). Comme :
il existe un unique tel que
De même, comme :
il existe un unique tel que On voit que et ainsi Tout ceci permet de construire le tableau suivant :
Comme possède en 0 la limite finie 1, on peut effectuer un prolongement par continuité :
On examine la dérivabilité de en Pour tout :
Comme
on a par composition des limites :
Par ailleurs de sorte que finalement
Ainsi, n’est pas dérivable en Son graphe présente au point de coordonnées une demi-tangente verticale.
Par dichotomie, on trouve et
Etude n° 6
Etudions pour finir les variations de :
On calcule la dérivée :
ce qui permet de construire le tableau de variations suivants :
n’est pas définie en mais possède en ce point une limite à droite nulle. Si l’on note la restriction de à on peut donc prolonger par continuité en posant :
On constate alors que, pour tout :
et donc :
ce qui prouve que est dérivable en et que
Ceci se traduit, pour le graphe de par une demi-tangente de pente nulle à l’origine.
Pour l’étude du comportement asymptotique en on va utiliser le développement limité de l’exponentielle en 0 à l’ordre 2 :
Il en résulte que la droite d’équation est asymptote en et en à Pour assez grand, ce développement asymptotique donne le signe de la différence On voit ainsi que est en-dessous de en et au-dessus en
8 – Variations et Inégalités
L’étude des variations d’une fonction peut servir à établir des inégalités dont la preuve directe n’est pas accessible directement (ou à la rigueur accessible, mais pas évidente). Voici trois exemples, sous forme d’exercices corrigés :
Exercice 8
Etant donnés tels que comparer les nombres et
Solution proposée – Posons pour tout :
Alors :
Comme l’exponentielle est croissante, on voit que l’inégalité étant stricte pour Ainsi, est strictement croissante sur Mais et donc :
Exercice 9
Comparer, pour les nombres :
Solution proposée –
Introduisons deux fonctions et :
On constate d’une part que :
d’où la décroissance de Comme alors pour tout Autrement dit :
D’autre part :
ce qui montre que est croissante. Or et donc pour tout Ainsi :
Conclusion générale :
Notons que l’inégalité est vraie pour tout ce qu’on peut voir en complétant l’étude des variations de sur On peut aussi éviter tout calcul : est concave (dérivée seconde négative) donc son graphe est situé en-dessous de sa tangente en
Ajoutons que pour l’autre inégalité est renversée :
ce qui améliore substantiellement pour ces valeurs de
Remarque
L’encadrement de obtenu plus haut peut encore être raffiné :
ce qui peut servir à des calculs de limite. Par exemple :
Exercice 10
Montrer que :
Solution proposée –
Posons, pour tout :
Alors :
Or, est concave sur donc son graphe est situé au-dessus de la corde d’équation Et par convexité de sur son graphe se retrouve en-dessous de cette même corde :
Ceci prouve que pour et pour Ainsi, décroît sur puis croît sur Et comme on peut conclure que pour tout comme souhaité.
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Merci monsieur pour ces preuves et observations supplémentaires 🙂
Ah oui je vois cela donnerait peut-être une alternance de convexité et concavité si l’on se servait d’un super zoom !
Bien à vous
C’est vraiment très insignifiant 🙂 , mais:
– section 2 exemple 1 et section 7 étude 1 : une seule fois l’expression n’est pas en face du = ;
– section 3 sur la périodicité, plusieurs fois la période T n’est pas affiché en format latex mais dans un encadré;
Je ne sais pas si la preuve est délicate, mais le théorème de fin de la partie 4 est élégant et je m’étonne de ne jamais l’avoir rencontré, tant l’analyse réelle d’une seule variable nous semble « familière » !
Je ne m’étais jamais fais la réflexion non plus, que si la dérivée seconde de f existe et est continue sur un intervalle, alors f alterne nécessairement les comportements concave ou convexe comme dans les exemples de fin que vous donnez. Hormis peut-être pour les cas extrêmes du type trajectoire de mouvement brownien pour la dérivée seconde, avec une infinité de zéros sur intervalle de longueur finie en dépit de la continuité (?).
Bonne journée Monsieur
Bonjour et merci, à nouveau, pour ces observations pertinentes qui permettent d’améliorer la qualité de ce travail en faisant la chasse aux coquilles 🙂
Le caractérisation de la stricte monotonie d’une fonction dérivable sur un intervalle par le fait que l’ensemble des zéros de sa dérivée soit d’intérieur vide est facile à prouver. Si cet ensemble est d’intérieur non vide, cela entraîne qu’il contient un intervalle de longueur non nulle sur lequel f est constante, ce qui prouve que f n’est pas strictement monotone. Réciproquement, si f est monotone sans l’être strictement, cela prouve l’existence d’au moins un « palier », ie un intervalle de longueur non nulle sur lequel f est constante, donc de dérivée nulle.
Concernant la dérivée seconde, il faut en effet être prudent : étant donnée une fonction f, deux fois dérivable sur un intervalle I, il se peut que s’annule une infinité de fois et que l’ensemble des zéros de présente des points d’accumulation (penser au cas où pour tout et ). Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au mouvement brownien 🙂