
On se propose d’établir, par des moyens élémentaires, deux résultats sur les polynômes, qui sont à la fois fondamentaux et d’un usage permanent en calcul algébrique.
Cet article s’adresse principalement à des élèves de terminale qui se destinent à des études supérieures scientifiques. La connaissance du principe de récurrence ainsi qu’un minimum d’habitude de la notation sont requis.
Commençons par rappeler une …
Définition
On dit de que c’est une fonction polynôme lorsqu’il existe un entier naturel
et des réels
tels que :
Voici maintenant les deux théorèmes que nous avons en ligne de mire…
Théorème A
Soit une fonction polynôme et soit
tel que
. Il existe alors une fonction polynôme
telle que :
Théorème B
Soit un entier naturel et soient des réels
et
tels que :
Alors :
En pratique, lorsqu’on passe de
on dit qu’on procède par “ identification des coefficients ”.
Le théorème B pourrait donc s’appeler le “ théorème d’identification polynomiale ”. Mais c’est une appellation non officielle : à un niveau plus avancé, on dira plutôt que le théorème B exprime, pour tout , l’indépendance linéaire de la famille de monômes
.
Si vous êtes pressés de voir comment s’utilisent concrètement ces deux théorèmes, vous pouvez directement passer à la section 5 … Mais l’objet principal de cet article se concentre aux sections 1 à 3, où les théorèmes en question sont établis.
1 – Une identité remarquable
Nous allons prouver qu’étant donnés un entier et deux réels
quelconques :
Procédons par récurrence et considérons l’assertion
Ceci initialise notre récurrence. Passons à l’hérédité, en supposant

On observe que :
d’où, d’après l’hypothèse de récurrence :
On peut maintenant factoriser par :
comme souhaité.
Pour vous rafraîchir la mémoire au sujet des identités remarquables exigibles au lycée et de leurs principales applications, vous pouvez consulter la vidéo Identités Remarquables.
2 – Preuve du théorème A
Soit une fonction polynôme. Par définition, il existe
et des réels
tels que :
Si alors
est une fonction constante, qui est fatalement la fonction nulle, ce qui rend triviale la propriété à démontrer (il suffit de prendre pour
la fonction nulle !).
Supposons désormais On peut écrire, pour tout
:
3 – Preuve du théorème B
Il s’agit de prouver que l’assertion :
est vraie pour tout
Par différence, il revient au même de prouver que l’assertion :
est vraie pour tout
est vraie d’évidence (si
est nul, alors
est nul… rien de très exaltant !).
Supposons vraie pour un certain
et soient alors
des réels tels que :
Par ailleurs, en dérivant chaque membre de on obtient :
Bref, les coefficients sont tous nuls. CQFD.
4 – Degré d’un polynôme non nul
Soit une fonction polynôme, qui n’est pas la fonction nulle. Il existe
et des réels
tels que :
On peut donc supposer, sans perte de généralité, que Avec cette petite contrainte, l’entier
est déterminé de manière unique.
En effet, s’il existait deux entiers et des coefficients
ainsi que
tels que :
on serait aussitôt en contradiction avec le théorème B.
Cet entier, qui est donc bien déterminé, s’appelle le degré de et il est noté
est le plus grand exposant présent dans l’expression développée de
→ Par exemple, si l’on pose :
Il n’est pas difficile de montrer que si deux fonctions polynômes (non nulles) ont pour degrés respectifs et
, alors leur produit a pour degré
.
→ Par exemple, si l’on pose :
5 – Utilisation combinée des deux théorèmes
Considérons le polynôme P défini par :
et cherchons à le factoriser.
Pour cela, commençons par chercher une racine “ évidente ”…
Après quelques tâtonnements (cf. remarque 1 en fin de section), on découvre que :
Le théorème A nous permet d’affirmer qu’il existe un polynôme Q tel que :
Il existe donc des réels (avec
) tels que
pour tout
La relation précédente devient :
d’où l’on tire facilement :
On est ainsi parvenu à la formule :
Tant qu’à faire, allons jusqu’au bout du processus de factorisation !
Le trinôme ayant pour discriminant
ses racines sont :
On peut finalement conclure que :
Remarque 1
On peut éviter les tâtonnements en utilisant le “ test des racines rationnelles ”, qui est présenté dans l’article Comment factoriser un polynôme ?
Remarque 2
On pouvait accélérer un peu le calcul ci-dessus en donnant d’emblée les valeurs des coefficients et
. D’une manière un peu plus générale, lorsqu’on détecte une racine
pour le polynôme
deux coefficients de
sont accessibles sans calcul : le coefficient de plus haut degré et le coefficient constant.
Remarque 3
La technique d’identification présentée ici demeure assez rudimentaire. Il est, en pratique, plus efficace de poser la division euclidienne de par
, ou d’appliquer un schéma de Horner, mais ceci fera l’objet d’un autre article 🙂
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