Comment définir une application linéaire ?

On présente ici diverses méthodes permettant de définir une application linéaire. Elles sont assorties d’exemples détaillés.

Précisons que cet article est assez synthétique et s’adresse à des lecteurs ayant déjà une certaine pratique de l’algèbre linéaire.

Avant de commencer, rappelons ce qu’est une application linéaire et donnons des exemples.

1 – Qu’est-ce qu’une application linéaire ?

Définition

Etant donnés deux espaces vectoriels E et F sur un même corps \mathbb{K}, une application u:E\rightarrow F est dite linéaire lorsque l’image d’une combinaison linéaire de vecteurs de E est égale la combinaison linéaire de leurs images respectives, avec les mêmes coefficients.

En symboles, cette condition devient :

    \[\forall n\in\mathbb{N}^{\star},\:\forall\left(x_{1},\cdots,x_{n}\right)\in E^{n},\:\forall\left(\lambda_{1},\cdots,\lambda_{n}\right)\in\mathbb{K}^{n},\]

    \[u\left(\sum_{i=1}^{n}\lambda_{i}x_{i}\right)=\sum_{i=1}^{n}\lambda_{i}\thinspace u\left(x_{i}\right)\]

Elle peut être reformulée, de manière équivalente (et plus légère), comme suit :

    \[\boxed{\forall\left(x,x'\right)\in E^{2},\:\forall\lambda\in\mathbb{K},\:u\left(\lambda x+x'\right)=\lambda\thinspace u\left(x\right)+u\left(x'\right)}\]

Exemple fondamental 1

Fixons un entier q\geqslant1. Il est clair que, pour tout \left(\alpha_{1},\cdots,\alpha_{q}\right)\in\mathbb{K}^{q}, l’application

    \[\mathbb{K}^{q}\rightarrow\mathbb{K},\:\left(t_{1},\cdots,t_{q}\right)\mapsto\sum_{j=1}^{q}\alpha_{j}t_{j}\]

est linéaire.

Terminologie

Lorsque l’espace d’arrivée d’une application linéaire est \mathbb{K}, on parle de forme linéaire.

Réciproquement, toute forme linéaire sur \mathbb{K}^{q} est de ce type ! En effet :

Notons \left(e_{1},\cdots,e_{q}\right) la base canonique de \mathbb{K}^{q}.

Pour chaque j\in\llbracket1,q\rrbracket, e_{j} désigne donc le q-uplet de scalaires dont les composantes sont toutes nulles, à l’exception de la j-ème, qui vaut 1 :

    \begin{equation*}\begin{split}e_{1}&=\left(1,0,0,\cdots,0,0\right)\\e_{2}&=\left(0,1,0,\cdots,0,0\right)\\&\cdots\\e_{q}&=\left(0,0,0,\cdots,0,1\right)\end{split}\end{equation*}

Soit u:\mathbb{K}^{q}\rightarrow\mathbb{K} une forme linéaire. Pour tout \left(t_{1},\cdots,t_{q}\right)\in\mathbb{K}^{q} :

    \[\left(t_{1},\cdots,t_{q}\right)=t_{1}e_{1}+\cdots+t_{q}e_{q}\]

donc :

    \[u\left(t_{1},\cdots,t_{q}\right)=t_{1}\thinspace u\left(e_{1}\right)+\cdots+t_{q}\thinspace u\left(e_{q}\right)\]

qui est une expression de la forme voulue, à condition de poser \alpha_{j}=u\left(e_{j}\right) pour tout j\in\llbracket1,q\rrbracket.

Exemple fondamental 2

Soient p,q deux entiers naturels non nuls et u:\mathbb{K}^{q}\rightarrow\mathbb{K}^{p} une application linéaire.

On peut définir des applications u_{i}:\mathbb{K}^{q}\rightarrow\mathbb{K} avec i\in\llbracket1,p\rrbracket en décrétant que, pour tout x\in\mathbb{K}^{q}, u_{i}\left(x\right) désigne la i-ème coordonnée du vecteur u\left(x\right) dans la base canonique de \mathbb{K}^{p}.

Plus simplement dit :

    \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\forall x\in\mathbb{K}^{q},\:u\left(x\right)=\left(u_{1}\left(x\right),\cdots,u_{p}\left(x\right)\right)$}\]

On dit que les u_{i} sont les applications composantes de u.

Chacune d’elles est d’évidence une forme linéaire. D’après l’exemple fondamental 1, il existe des scalaires \beta_{i,j} (1\leqslant i\leqslant p et 1\leqslant j\leqslant q) tels que :

    \[\forall\left(x_{1},\cdots,x_{q}\right)\in\mathbb{K}^{q},\thinspace u\left(x\right)=\left(\beta_{1,1}x_{1}+\cdots+\beta_{1,q}x_{q},\cdots,\beta_{p,1}x_{1}+\cdots+\beta_{p,q}x_{q}\right)\]


Réciproquement, toute application de \mathbb{K}^{q} vers \mathbb{K}^{p} définie par une telle formule est linéaire.

Au passage, notons qu’on est à deux doigts du formalisme matriciel ! La matrice de u relativement aux bases canoniques de \mathbb{K}^{q} et \mathbb{K}^{p} est en effet :

    \[\left[\begin{array}{ccccc}\beta_{1,1} & \beta_{1,2} & \cdots & \cdots & \beta_{1,q}\\\beta_{2,1} & \beta_{2,2} & \cdots & \cdots & \beta_{2,q}\\\vdots & \vdots & & & \vdots\\\beta_{p,1} & \beta_{p,2} & \cdots & \cdots & \beta_{p,q}\end{array}\right]\]

Exemple fondamental 3

Soient a,b deux réels tels que a<b et soit w:\left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R} une application continue.

Notons E le \mathbb{R}-espace vectoriel des applications continues de \left[a,b\right] dans \mathbb{R} et posons :

    \[\forall f\in E,\;L_{w}\left(f\right)=\int_{a}^{b}f\left(t\right)\thinspace w\left(t\right)\thinspace dt\]

Clairement, L_{w} est une forme linéaire sur E, mais attention …

Il existe des formes linéaires sur E qui ne sont pas de ce type !
C’est le cas de \varphi:E\to\mathbb{R},\:f\mapsto f\left(a\right).

Cette forme linéaire est appelée évaluation en a.

 Sauriez-vous prouver qu’il n’existe aucune application w\in E telle que \varphi=L_{w} ?

→ Réponse en annexe

2 – Sept applications linéaires explicitement définies

Pour définir une application linéaire, le plus simple consiste à spécifier (via une formule explicite) l’image de chaque vecteur de l’espace de départ.

Exemple 1

L’application

    \[f:\mathbb{R}^{3}\rightarrow\mathbb{R},\thinspace\left(x,y,z\right)\mapsto x+y-5z\]

est un cas particulier de l’exemple fondamental 1 présenté à la section 1.

Exemple 2

L’application

    \[f:\mathbb{R}^{3}\rightarrow\mathbb{R}^{2},\:\left(x,y,z\right)\mapsto\left(2x-y-z,\thinspace x+3y\right)\]

est un cas particulier de l’exemple fondamental 2 présenté à la section 1.

Exemple 3

Notons E l’espace des applications continues de \left[0,1\right] dans \mathbb{R}. L’application

    \[\varphi:E\rightarrow\mathbb{R},\thinspace f\mapsto\int_{0}^{1}\frac{f\left(t\right)}{\sqrt{1+t^{2}}}\thinspace dt\]

est un cas particulier de l’exemple fondamental 3 présenté à la section 1.

Exemple 4

Soit X un ensemble non vide quelconque et soit a\in X.

Soit, par ailleurs, un \mathbb{K}-espace vectoriel E.

On note E^{X} l’espace vectoriel de toutes les applications de X vers E. L’application :

    \[\mathcal{E}_{a}:E^{X}\rightarrow E,\thinspace f\mapsto f\left(a\right)\]

appelée évaluation en a, est linéaire (ceci généralise ce qui a été dit à l’exemple fondamental 3, plus haut).

Terminologie

Lorsque les espaces de départ et d’arrivée d’une application linéaire sont confondus, on parle d’endomorphisme.

Exemple 5

Notons F l’espace des toutes les applications de \mathbb{R} dans \mathbb{R} et soit \alpha\in\mathbb{R}.

L’application :

    \[\psi:F\rightarrow F,\thinspace f\mapsto\left[x\mapsto f\left(\alpha x\right)\right]\]

est un endomorphisme.

Exemple 6

Notons C l’espace des suites réelles convergentes. L’application :

    \[\lambda:C\rightarrow\mathbb{R},\thinspace u\mapsto\lim_{n\rightarrow\infty}u_{n}\]

est une forme linéaire sur C.

Exemple 7

Notons H l’espace des « suites réelles de carré sommables », c’est-à-dire des suites réelles u pour lesquelles la série {\displaystyle \sum_{n\geqslant0}u_{n}^{2}} converge. L’application :

    \[\theta:H\rightarrow\mathbb{R},\thinspace u\mapsto\sum_{n=0}^{\infty}\frac{u_{n}}{n+1}\]

est une forme linéaire sur H.

Cette liste pourrait être poursuivie, mais elle suffit largement pour s’apercevoir de la diversité des possibilités. Passons maintenant aux choses sérieuses…

3 – Définition par l’image d’une base

Considérons deux \mathbb{K}-espaces vectoriels E,F et supposons E de dimension finie.

Notons n=\dim\left(E\right).

Théorème (T)

Etant données une base \left(e_{1},\cdots,e_{n}\right) de E et une famille \left(f_{1},\cdots,f_{n}\right) de n vecteurs de F, il existe une application linéaire u\in\mathcal{L}\left(E,F\right) et une seule vérifiant :

    \[\forall i\in\llbracket1,n\rrbracket,\:u\left(e_{i}\right)=f_{i}\]

Autrement dit, une application linéaire est parfaitement définie par la donnée des images des vecteurs d’une base.

La preuve de ce théorème est détaillée en annexe, à la fin de l’article.

Voici un exemple d’utilisation.

Endomorphismes anti-involutifs en dimension paire

Considérons un \mathbb{R}-espace vectoriel E de dimension finie n et supposons qu’il existe un endomorphisme u\in\mathcal{L}\left(E\right) tel que u^{2}=-id_{E} (c’est-à-dire : \forall x\in E,\thinspace u^{2}\left(x\right)=-x).

Le déterminant d’une composée d’endomorphismes étant égal au produit des déterminants des facteurs, on voit que :

    \[\left[\det\left(u\right)\right]^{2}=\det\left(u^{2}\right)=\det\left(-id_{E}\right)=\left(-1\right)^{n}\]

et comme \left[\det\left(u\right)\right]^{2} est un réel positif ou nul, il s’ensuit que n est un entier pair.

La réciproque de cette propriété est encore vraie :

Proposition

Si E un \mathbb{R}-espace vectoriel de dimension paire, alors il existe un endomorphisme u\in\mathcal{L}\left(E\right) tel que u^{2}=-id_{E}.

Notons \dim\left(E\right)=2p et donnons-nous une base \left(e_{i}\right)_{1\leqslant i\leqslant2p} de E.

D’après le théorème (T), on définit un endomorphisme u\in\mathcal{L}\left(E\right) en imposant :

    \begin{equation*}\begin{split}u\left(e_{1}\right) & = e_{2}\\u\left(e_{2}\right) & = -e_{1}\\\vdots & \vdots\\u\left(e_{2p-1}\right) & = e_{2p}\\u\left(e_{2p}\right) & = -e_{2p-1}\end{split}\end{equation*}

Pour tout j\in\llbracket1,2p\rrbracket\} , de deux choses l’une :

➣ si j est pair, alors :

    \[u^{2}\left(e_{j}\right)=u\left(-e_{j-1}\right)=-u\left(e_{j-1}\right)=-e_{j}\]


➣ si j est impair, alors :

    \[u^{2}\left(e_{j}\right)=u\left(e_{j+1}\right)=-e_{j}\]

Les endomorphismes u^{2} et -id_{E} coïncident sur une base, ils sont donc égaux.

Remarque

Dans cet exemple, le corps de base était \mathbb{R}, ce qui a permis de dire que \left[\det\left(u\right)\right]^{2} est positif ou nul.

Une telle affirmation n’aurait eu aucun sens si \mathbb{K}=\mathbb{C}. D’ailleurs, dans ce cas, l’existence d’endomorphismes « anti-involutifs » est assurée sans aucune contrainte de parité : il suffit de considérer l’homothétie de rapport i (avec bien sûr i^{2}=-1).

4 – Définition par les restrictions à des sous-espaces supplémentaires

Considérons deux \mathbb{K}-espaces vectoriels E,F ainsi que deux sous-espaces E_{1},E_{2} de E tels que E=E_{1}\oplus E_{2} (rappelons ce que cela signifie : tout vecteur de E peut s’écrire, de manière unique, comme la somme de deux vecteurs, l’un appartenant à E_{1} et l’autre à E_{2}).

Théorème (T’)

Etant données des applications linéaires u_{1}\in\mathcal{L}\left(E_{1},F\right) et u_{2}\in\mathcal{L}\left(E_{2},F\right), il existe une application linéaire u\in\mathcal{L}\left(E,F\right) et une seule telle que :

    \[\forall x\in E_{1},\thinspace u\left(x\right)=u_{1}\left(x\right)\qquad\text{et}\qquad\forall x\in E_{2},\thinspace u\left(x\right)=u_{2}\left(x\right)\]

Autrement dit, une application linéaire est parfaitement déterminée par la donnée de ses restrictions (linéaires !) à deux sous-espaces supplémentaires.

Là encore, laissons de côté la démonstration (le lecteur intéressé la lira en annexe) et donnons deux exemples d’utilisation.

Un lemme de Noether

Considérons trois \mathbb{K}-espaces vectoriels E,F et G ainsi que deux applications linéaires u\in\mathcal{L}\left(E,F\right) et w\in\mathcal{L}\left(E,G\right).

Il est évident que s’il existe v\in\mathcal{L}\left(F,G\right) vérifiant w=v\circ u, alors \ker\left(u\right)\subset\ker\left(w\right).

En effet, pour tout vecteur x\in\ker\left(u\right) :

    \[w\left(x\right)=v\left(u\left(x\right)\right)=v\left(0_{F}\right)=0_{G}\]

Il est moins facile de voir que la réciproque est vraie.

Proposition

Avec les notations précédentes, si \ker\left(u\right)\subset\ker\left(w\right), alors il existe une application linéaire v\in\mathcal{L}\left(F,G\right) telle que w=v\circ u.

Si une telle application v existe, elle devra vérifier w\left(x\right)=v\left(u\left(x\right)\right) pour tout x\in E. On voit dans cette condition que v n’est appliquée qu’à des vecteurs appartenant à l’image de u. Ceci suggère de considérer un supplémentaire S de \text{Im}\left(u\right) dans F et de construire une application linéaire v en spécifiant ses restrictions à \text{Im}\left(u\right) et à S.

Pour la restriction à S, le plus simple consiste à prendre l’application nulle.

Pour la restriction à \text{Im}\left(u\right), il faut faire attention…

Si y\in\text{Im}\left(u\right), en posant y=u\left(x\right) avec x\in E, il faudra qu’on ait v\left(y\right)=w\left(x\right).

En d’autres termes, il faut définir la restriction de v à \text{Im}\left(u\right) en associant à tout y\in\text{Im}\left(v\right) l’image par w de l’un quelconque de ses antécédents par u.

Le problème de cette formulation est que le résultat semble dépendre de l’antécédent choisi !

Fort heureusement, il n’en est rien; car si x_{1},x_{2} sont deux antécédents par u du même y\in\text{Im}\left(u\right), alors x_{1}-x_{2}\in\ker\left(u\right), donc (par hypothèse) x_{1}-x_{2}\in\ker\left(w\right) et finalement w\left(x_{1}\right)=w\left(x_{2}\right).

En résumé, il est licite de définir v\in\mathcal{L}\left(F,G\right) en décrétant que :

    \[\left\{\begin{array}{c}\forall y\in\text{Im}\left(u\right),\thinspace v\left(y\right)=u\left(x\right)\text{ avec }x\in u^{-1}\left(\left\{ y\right\} \right)\\\\\forall s\in S,\thinspace v\left(s\right)=0_{G}\end{array}\right.\]

Par construction, on voit bien que w=v\circ u.

Dimension d’un espace d’endomorphismes

Considérons ici un \mathbb{K}-espace vectoriel E de dimension finie n et endomorphisme f\in\mathcal{L}\left(E\right).

L’ensemble A=\left\{ u\in\mathcal{L}\left(E\right);\thinspace u\circ f=0\right\} est un \mathbb{K}-espace vectoriel : c’est clairement un sous-espace de \mathcal{L}\left(E\right).

Que peut-on dire de la dimension de A ? Elle est évidemment majorée par \dim\left(\mathcal{L}\left(E\right)\right)=n^{2}, mais à quoi est-elle égale ?

Comme on va le voir, il est possible d’exprimer \dim\left(A\right) en fonction de n et f.

Pour cela, observons qu’étant donné un endomorphisme u\in\mathcal{L}\left(E\right), la condition u\in A signifie que la restriction de u à \text{Im}\left(f\right) est nulle.

Moralement, se donner un élément de A semble être équivalent à se donner une application linéaire de S vers E,S désigne un supplémentaire de \text{Im}\left(f\right) dans E.

Terminologie

Lorsqu’une application linéaire est bijective, on parle d’isomorphisme.

Deux \mathbb{K}-espaces vectoriels sont dits isomorphes lorsqu’il existe un isomorphisme de l’un vers l’autre. Dans ce cas, si l’un des deux espaces est de dimension finie, alors l’autre aussi et les dimensions sont égales.

Afin de valider l’idée précédente, prouvons que A est isomorphe à \mathcal{L}\left(S,E\right).

Ceci entraînera que \dim\left(A\right)=\dim\left(S\right)\thinspace\dim\left(E\right), c’est-à-dire (vu que \dim\left(S\right)=\dim\left(E\right)-\text{rg}\left(f\right) et d’après la formule du rang) :

    \[\boxed{\dim\left(A\right)=n\dim\left(\ker\left(f\right)\right)}\]

L’application :

    \[\Phi:A\rightarrow\mathcal{L}\left(S,E\right),\thinspace u\mapsto u_{\mid S}\]

est d’évidence linéaire. Précisons que u_{\mid S} désigne la restriction de u à S, c’est-à-dire l’élément de \mathcal{L}\left(S,E\right) défini par \forall x\in S,\thinspace u_{\mid S}\left(x\right)=u\left(x\right).

Il suffit pour conclure de prouver que \Phi est bijective.

Injectivité

Si u\in\ker\left(\Phi\right), alors d’une part u\left(x\right)=0_{E} pour tout x\in S (définition du noyau d’une application linéaire) et d’autre part u\left(x\right)=0_{E} pour tout x\in\text{Im}\left(f\right) (par définition de A).

Comme E=S\oplus\text{Im}\left(f\right), il en résulte que u est l’endomorphisme nul.

Surjectivité

Soit \ell\in\mathcal{L}\left(S,E\right). On peut définir, grâce au théorème (T’), un endormorphisme u\in\mathcal{L}\left(E\right) en spécifiant ses restrictions à S et à \text{Im}\left(f\right) :

    \[\forall x\in S,\thinspace u\left(x\right)=\ell\left(x\right)\qquad\text{et}\qquad\forall x\in\text{Im}\left(f\right),\thinspace u\left(x\right)=0_{E}\]

Manifestement u\in A et la restriction de u_{\mid S}=\ell, ce qui signifie que \Phi\left(u\right)=\ell.

Annexe : quelques explications

1 – Question finale / Exemple fondamental 3

Il s’agissait de prouver ceci :

Proposition

Il n’existe aucune application continue w:\left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R} telle que :

    \[\forall f\in E,\:\int_{a}^{b}f\left(t\right)\thinspace w\left(t\right)\thinspace dt=f\left(a\right)\]

Supposons le contraire et choisissons pour f l’application \left[a,b\right]\rightarrow\mathbb{R},\thinspace t\mapsto\left(t-a\right)w\left(t\right). Alors :

    \[\int_{a}^{b}\left(t-a\right)w\left(t\right)^{2}\thinspace dt=0\]

Or, on sait que la seule application continue, positive et d’intégrale nulle est l’application nulle :

    \[\forall t\in\left[a,b\right],\thinspace\left(t-a\right)w\left(t\right)^{2}=0\]

Ceci impose, dans un premier temps, w\left(t\right)=0 pour tout t\in\left]a,b\right]. Puis, comme w est continue en a, on voit que w\left(a\right)=0.

Bref, w est nécessairement l’application nulle.

Mais ceci est absurde, puisqu’il existe évidemment des applications continues sur \left[a,b\right] qui ne s’annulent pas en a.

2 – Preuve du théorème (T)

Dans ce qui suit, on notera e_{i}^{\star} la i-ème forme coordonnée (pour chaque i\in\llbracket1,n\rrbracket), c’est-à-dire la forme linéaire qui, à chaque x\in E associe sa i-ème coordonnée dans la base \left(e_i\right)_{1\leqslant i\leqslant n}.

Raisonnons par analyse-synthèse. Si u\in\mathcal{L}\left(E,F\right) convient, alors pour tout x\in E, vu que :

    \[x=\sum_{i=1}^{n}e_{i}^{\star}\left(x\right)\thinspace e_{i}\]

il vient :

    \[u\left(x\right)=\sum_{i=1}^{n}e_{i}^{\star}\left(x\right)\thinspace u\left(e_{i}\right)=\sum_{i=1}^{n}e_{i}^{\star}\left(x\right)\thinspace f_{i}\]

Ceci prouve l’unicité : si u\in\mathcal{L}(E,F) convient, elle est nécessairement définie de cette façon.

Pour l’existence, il suffit de constater que l’application u ainsi définie fait l’affaire. Elle est en effet linéaire (parce que les e_{i}^{\star} le sont) et de plus, pour tout j\in\llbracket1,n\rrbracket :

    \[u\left(e_{j}\right)=\sum_{i=1}^{n}e_{i}^{\star}\left(e_{j}\right)\thinspace f_{i}=f_{j}\]

car :

    \[e_{i}^{\star}\left(e_{j}\right)=\left\{ \begin{array}{cc}1 & \text{si }i=j\\0 & \text{sinon}\end{array}\right.\]

3 – Preuve du théorème (T’)

On sait que, pour tout x\in E, il existe un unique couple \left(x_{1},x_{2}\right)\in E_{1}\times E_{2} tel que x=x_{1}+x_{2}.

Notons \pi_{1} l’application E\rightarrow E_{1},\thinspace x\mapsto x_{1} (c’est la première projection) et définissons \pi_{2} de manière analogue.

Les applications \pi_{1} et \pi_{2} sont linéaires. Détaillons cela. Etant donné un couple \left(x,y\right) de vecteurs de E ainsi qu’un scalaire \lambda, on peut écrire :

    \[x=x_{1}+x_{2}\qquad\text{et}\qquad y=y_{1}+y_{2}\]

avec :

    \[x_{1},y_{1}\in E_{1}\qquad\text{et}\qquad x_{2},y_{2}\in E_{2}\]

d’où :

    \begin{equation*}\begin{split}\lambda x+y & =\lambda\left(x_{1}+x_{2}\right)+y_{1}+y_{2}\\& =\left(\lambda x_{1}+y_{1}\right)+\left(\lambda x_{2}+y_{2}\right)\end{split}\end{equation*}

Comme E_{1} et E_{2} sont stables par combinaison linéaire :

    \[\begin{matrix}\lambda x_{1}+y_{1}\in E_{1} & \text{et} & \lambda x_{2}+y_{2}\in E_{2}\end{matrix}\]

Par conséquent :

    \[\pi_{1}\left(\lambda x+y\right)=\lambda x_{1}+y_{1}=\lambda\thinspace\pi_{1}\left(x\right)+\pi_{1}\left(y\right)\]

et même chose avec \pi_{2}.

Ces préliminaires étant posés, nous allons encore, comme dans la preuve du théorème [T], procéder par analyse-synthèse.

Analyse

Si u\in\mathcal{L}\left(E,F\right) convient, alors pour tout x\in E :

    \begin{equation*}\begin{split}u\left(x\right) & =u\left(x_{1}+x_{2}\right)\\& = u\left(x_{1}\right)+u\left(x_{2}\right)\\& = u_{1}\left(x_{1}\right)+u_{2}\left(x_{2}\right)\end{split}\end{equation*}

autrement dit :

    \[u=u_{1}\circ\pi_{1}+u_{2}\circ\pi_{2}\]

Synthèse

Réciproquement, si u est ainsi définie, alors elle est linéaire (car u_{1}, u_{2}, \pi_{1} et \pi_{2} le sont) et vérifie manifestement :

    \[\forall x\in E_{1},\thinspace u\left(x\right)=u_{1}\left(x\right)\]

car pour x\in E_{1} :

    \[\left\{ \begin{array}{c}\pi_{1}\left(x\right)=x\\\text{et}\\\pi_{2}\left(x\right)=0_{E}\end{array}\right.\]

et de même :

    \[\forall x\in E_{2},\thinspace u\left(x\right)=u_{2}\left(x\right)\]


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