Voici un énoncé (pas le plus général) du théorème de convergence des sommes de Riemann :
Théorème
Soit une application intégrable au sens au de Riemann.
Si l’on pose pour tout :
alors :
Interprétation géométrique : lorsque tend vers l’infini, la somme des aires algébriques des rectangles associés à la subdivision régulière de en « tranches » converge vers l’intégrale de
Dans la vidéo ci-dessous, qui est disponible sur la chaine YouTube du blog Math-OS, on démontre ce théorème pour de classe et aussi (un peu plus généralement et en faisant intervenir le théorème de Heine) pour continue :
On admettra ici que le résultat persiste sous la seule hypothèse que est intégrable au sens de Riemann.
Dans ce qui suit, quelques exemples d’utilisation de ce théorème sont présentés en détail.
Encore deux remarques avant de commencer :
Remarque 1
Dans l’énoncé du théorème, on peut remplacer « somme de Riemann à droite » par « somme de Riemann à gauche », c’est-à-dire par :
Vu que :
il est clair qu’on a aussi :
1 – Urnes et boules de couleurs
Étant donné un entier on dispose de urnes renfermant chacune des boules de couleurs :
- l’urne 1 contient boules bleues et 1 boule rouge
- l’urne 2 contient boules bleues et 2 boules rouges
- …
- l’une contient boules bleues et boules rouges
- …
- l’urne contient boules bleues et boules rouges
L’illustration ci-dessous montre la configuration pour :
On envisage alors l’expérience aléatoire suivante. On sélectionne au hasard une urne (les différents choix sont équiprobables) puis, dans cette urne, on tire au hasard une boule (chaque boule présente dans l’urne ayant autant de chances d’être choisie qu’une autre). On note alors la probabilité que la boule sélectionnée soit rouge.
On va calculer explicitement puis préciser sa limite lorsque tend vers
Si l’on note l’évènement « l’urne sélectionnée porte le numéro » et l’évènement « la boule sélectionnée est rouge », alors d’après la formule des probabilités totales :
où
désigne la probabilité conditionnelle de
sachant
Or, pour tout
:
et :
Ainsi :
que l’on peut écrire sous la forme :
avec
On reconnaît une somme de Riemann pour
et donc :
Cette dernière intégale se calcule aisément, si l’on remarque que pour tout
:
ce qui donne :
Finalement :
Précisons que l’usage du théorème de convergence des sommes de Riemann ne s’imposait pas. En effet, si l’on note le ème nombre harmonique, défini par :
on voit que :
donc, en ré-indexant cette dernière somme :
Or, il est classique que, lorsque
tend vers
:
où
désigne la constante d’Euler. Ainsi :
On retrouve bien la limite obtenue plus haut. Pour plus d’information sur la constante d’Euler, on pourra consulter cette vidéo :
2 – Une intégrale pas commode
Dans la section précédente, on a essentiellement calculé la limite d’une somme, en détectant qu’il s’agissait d’une somme de Riemann pour une certaine fonction. De nombreux exercices sont construits autour de cette simple idée (« simple » … à condition de savoir ce qu’est une somme de Riemann et aussi de reconnaître, en situation, de quoi il retourne).
Voici quelques exemples de questions de ce type (les réponses sont fournies en annexe) :
Exercice
Calculer les limites des expressions suivantes lorsque l’entier tend vers :
Cependant, il est parfois possible de faire « l’inverse », c’est-à-dire de calculer la valeur d’une intégrale en passant par des sommes de Riemann.
Par exemple, fixons tel que et posons :
(1)
L’usage des nombres complexes n’est pas indispensable puisqu’en posant
(avec
réels) :
d’où :
et donc :
(2)
Pour des raisons de concision, on va continuer à exploiter la forme
mais que l’on utilise l’une ou l’autre des formes
et
le calcul de l’intégrale ne paraît pas évident ! Pas de primitive qui saute au yeux, pas de possibilité visible de s’en sortir en intégrant par parties ou en changeant de variable … Que faire pour calculer
?
Comme annoncé, on va s’en sortir grâce au théorème de convergence des sommes de Riemann. Posons, pour tout :
qui n’est autre que la
ème somme de Riemann à gauche pour
On va trouver une expression plus « sympathique » pour puis en déduire la valeur de
Une somme de logarithmes de réels étant égale au logarithme de leurs produits :
Or, si l’on pose :
il est connu que, pour tout
:
Ainsi :
A présent, on distingue deux cas, selon que le module de
est inférieur ou supérieur à
(rappelons que, par hypothèse, ce module est différent de
Comme on voit aussitôt que
On peut écrire, pour tout :
d’où :
et donc :
En conclusion :
3 – Limite d’un maximum
Considérons, pour tout l’application :
Voici à quoi ressemble son graphe pour quelques valeurs de
:
Dans chaque cas, un petit disque rouge indique le premier maximum local de
Notons ce maximum et le réel de en lequel il est atteint. Une question classique consiste à calculer
En faisant tendre vers on peut montrer (non détaillé ici) que la suite de fonctions converge simplement vers la fonction discontinue :
On pourrait donc s’attendre à ce que la suite converge vers Mais il n’en est rien ! On peut s’en douter en traçant simultanément les graphes de et de pour un « grand » :
Mais alors, si ce n’est pas quelle est donc la limite de la suite ? Pour élucider cette question, nous allons faire intervenir des … sommes de Riemann (mais je parie que vous vous en doutiez).
On commence par calculer et, pour cela, on s’intéresse au signe de la dérivée de D’après un calcul classique :
et donc
s’annule et change de signe pour les valeurs suivantes de
:
La plus petite de ces valeurs est :
et l’on peut vérifier qu’en ce point,
présente un maximum local puisque
pour
et
pour
Par conséquent :
ou encore :
L’intérêt de dernière expression est qu’elle fait apparaître une somme de Riemann pour la fonction :
En conclusion :
Un calcul approché montre que cette limite est voisine de
(à
près), une valeur clairement supérieure à
Remarque
Ce résultat, lié à la non uniformité de la convergence de la suite au voisinage de est connu sous le nom de « phénomène de Gibbs ». Plus d’infos à ce sujet sur Wikipedia (en anglais).
4 – Comportement asymptotique d’une somme
Dans cette section, on s’intéresse à la recherche d’un équivalent, lorsque pour la somme :
La notation
désigne le reste de la division euclidienne de
par
Afin de se faire une idée de la situation, on peut visualiser les premiers termes de la suite Dans l’illustration ci-dessous, on voit les points de coordonnées pour :
Cette disposition quasi-linéaire laisse penser qu’il existerait une constante sans doute voisine de telle que .
Comme on constate que :
On reconnaît maintenant une somme de Riemann pour :
qui est intégrable au sens de Riemann sur tout
(pour
et bornée, donc qu’on peut prolonger (en posant par exemple
en une application Riemann-intégrable sur
Ainsi, le théorème s’applique et :
Il reste à calculer cette intégrale. Pour cela, il est naturel de calculer
(pour
entier), puis de passer à la limite lorsque
tend vers
Or, pour tout
la relation de Chasles donne :
Par ailleurs, comme on l’a rappelé à la
section 1 :
et donc :
En conclusion :
ce qui démontre la conjecture (avec
à
près).
5 – Une inégalité pas très discrète
Etant données deux applications continues on se propose d’établir l’inégalité :
Pour tout
et tout
posons :
ainsi que :
D’après l’inégalité triangulaire pour la norme euclidienne dans
pour tout
uplet
de couples de nombres réels :
c’est-à-dire :
En remplaçant
par
et
par
pour chaque
puis en multipliant par
il vient :
Or, au membre de droite de cette dernière inégalité, on reconnaît une somme de Riemann pour
il suffit donc de passer à la limite pour conclure.
Ce calcul donne une illustration de la possibilité d’utiliser des sommes de Riemann pour passer du « discret » au « continu » : pour démontrer un résultat qui concerne des intégrales, on peut essayer d’établir au préalable un résultat analogue pour des sommes, puis passer à la limite. Par exemple, on peut démontrer par ce mécanisme la célèbre inégalité de Jensen pour des intégrales :
Inégalité de Jensen (version intégrale)
Une preuve de ce résultat fait l’objet de l’exercice n° 4 de cette fiche.
Pour revenir à la question initiale, les sommes de Riemann ne constituaient pas un passage obligé. On observe que l’inégalité :
peut s’écrire, en posant
:
Or, pour voir que cette inégalité est vraie, il suffit de montrer que, pour tous réels
:
C’est évident si le membre de gauche est négatif. Et sinon, cette inégalité équivaut à :
qui équivaut à son tour à :
… et qui est donc vraie !
6 – Une question posée à l’oral des ENS
Considérons une application continue, à valeurs strictement positives.
On demande …
1°) de montrer que, pour tout il est possible de former une subdivision du segment avec comme toujours :
mais de telle sorte que l’intégrale de
sur la « tranche numéro
» soit indépendante de
c’est-à-dire :
2°) de calculer :
Pour le premier point, introduisons l’application qui est continue (et même de classe et strictement croissante. De ce fait, réalise une bijection de sur où l’on a posé :
Il existe donc, pour chaque
un unique
tel que :
On a alors, pour tout
:
comme souhaité. On observe ensuite que :
On reconnaît donc une somme de Riemann pour
Ainsi :
En posant
il vient finalement :
Annexe
Voici les réponses pour les trois limites laissées en suspens au début de la section 2 :
c’est-à-dire :
et comme une primitive de
est
il vient :
Enfin :
et donc :
En intégrant par parties, on trouve :
et donc (par continuité de l’exponentielle) :
Si cet article vous a intéressé, merci de laisser un petit commentaire 🙂
seems very interesting, scanned through it, will study it. Thank you!
de errard.serge
tres bonne idée;bien construit