Le bagage mathématique requis pour les trois premières sections de cet article est minimaliste : tout au plus, la connaissance de la formule donnant l’aire d’un rectangle (bon … disons que j’exagère, mais pas beaucoup).
De quoi s’agit-il ?
Vous allez observer une étonnante coïncidence : deux calculs, apparemment sans lien, qui donnent le même résultat. Il faudra alors s’interroger sur la raison de cette coïncidence et proposer une (ou plusieurs) explication(s).
- Calcul n° 1 : le carré d’une somme du genre 1 + 2 + … + n, où n désigne un entier positif.
- Calcul n° 2 : la somme des cubes de n premiers entiers.
A vos marques ! Prêt(e) ? C’est parti …
1 – Carré de la somme des premiers entiers
Commençons par évoquer un calcul qui vous est peut-être familier.
Si l’on ajoute les nombres entiers de 1 à 8, on trouve :
Pour faire ce calcul, tel qu’il est écrit, il a fallu effectuer 7 additions.
Curieusement, on parvient au même résultat en effectuant, en tout et pour tout, 3 opérations :
Coïncidence, me direz-vous …
Pas du tout ! Vous pouvez refaire l’expérience avec une autre valeur que 8 et vous constaterez que ça marche encore. Sceptique ? Essayons avec 10 :
et
Vous voyez ? ça a l’air de marcher … 🤗
Maintenant, il faut expliquer cela dans un cadre général (c’est-à-dire sans choisir une valeur particulière comme 8 ou 10). Nous allons utiliser une lettre, par exemple ‘n’, pour désigner un nombre entier quelconque, au moins égal à 1.
En ajoutant les entiers de 1 à n, on obtient un total :
Astuce géniale, on va effectuer les additions en sens inverse, ce qui ne modifie évidemment pas le résultat :
On ajoute alors membre à membre les deux inégalités précédentes, pour obtenir :
et vous constatez que les termes entre crochets sont tous égaux à Moralité :
et donc :
Et voilà !
Un petit garçon, âgé de 7 ou 8 ans, aurait découvert cela tout seul, vers 1785. Il s’appelait Carl Friedrich Gauss. Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite à lire sur ma page LinkedIn un extrait du livre Les Arpenteurs du Monde, de Daniel Kehlmann (Ed. Babel).
2 – Somme des premiers cubes
A présent, essayons de calculer la somme :
Pour on trouve :
Curieusement, de sorte que :
Un calcul similaire révèle que ça marche aussi avec puisque la somme des 10 premiers cubes vaut :
Ceci nous conduit naturellement à conjecturer (pour savoir ce qu’on appelle en maths une conjecture, voir cet article) que, pour tout entier :
Si vous connaissez un peu l’usage de la notation (et sinon, allez jeter un coup d’œil par ici), vous pourrez reformuler ce résultat de manière plus compacte :
()
Nous allons apporter, dans les sections suivantes, trois preuves de cette affirmation.3 – Preuve géométrique
Dans la figure ci-dessous, apparaît un grand carré dont le côté mesure :
L’aire de ce carré est donc :
Mais cette aire est aussi égale à la somme des aires des régions de couleurs (des ‘L’ inversés, alternativement bleus et gris).
Calculons l’aire de k-ème région. Dans le dessin qui suit, cette région a été décomposée en deux rectangles identiques (en noir) et un carré (en rouge) :
De toute évidence, l’aire du petit carré rouge est :
Quant à l’aire d’un rectangle noir, elle est donnée par le produit des longueurs des côtés :
Or, nous savons calculer la sommes des premiers entiers (cf. section 1) et donc :
Ainsi, l’aire de la k-ème région est donnée par :
En définitive, vu que :
on conclut que :
Nous avons prouvé notre conjecture 🤗🤗
4 – Preuve par récurrence
Si vous savez ce qu’est une démonstration par récurrence, il vous sera facile d’établir par ce procédé que :
()
et :()
ce qui entraînera la formuleDétaillons la preuve de (2). On initialise facilement la récurrence :
Ensuite, en supposant vraie l’égalité pour un certain entier on voit que :
On reconnaît l’identité pour et :
Ainsi :
comme souhaité.
Et si vous ne savez pas bien comment faire une démonstration par récurrence, alors cet article-ci est fait pour vous !
5 – Une sommation télescopique
Le défaut de la démonstration par récurrence précédente est commun à toutes les démonstrations de cette nature : elles présupposent que l’on sache à l’avance ce qu’on veut prouver.
Voici un moyen de s’en sortir autrement, mais cela va nécessiter une petite astuce !
On va calculer de deux manières la somme :
D’une part, on observe que la sommation est télescopique, ce qui veut simplement dire que les termes se simplifient en cascade … Par exemple :
et il ne reste, après simplification que : Plus généralement, on comprend ainsi que :
D’autre part, on peut développer par la formule binôme :
et donc :
puis, après sommation pour à :
Pour terminer, on a besoin de connaître la formule suivante :
(dont la preuve peut être obtenue par récuurence ou, mieux, en suivant la même voie que pour la présente démonstration, c’est-à-dire en calculant de deux façons la somme
Avec cela en poche, on obtient :
Après avoir confronté les deux expressions obtenues pour on conclut que :
Il reste un peu de calcul pour simplifier cette dernière expression (mais cela ne devrait soulever aucune difficulté). Je vous encourage à examiner cela en détail … et vous trouverez finalement (comme attendu) que :
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Bonjour,
il y a également très simple en écrivant tout cube différence de 2 carrés, soit x³=(½x(x+1))²-(½x(x-1))²
donc:
n³=(½n(n+1))²-(½n(n-1))²
(n-1)³=(½n(n-1))²-(½(n-1)(n-2))²
(n-2)³=(½(n-1)(n-2))²-(½(n-2)(n-3))²
…
…
2³= (½3*2))² -(½*2*1))²
1³= (½*2*1))² – 0
Somme telescopique, il ne reste que Sₙ=(½n(n+1))² !
Bon ça ne fonctionne que pour les cubes, mais c’est quand même beau comme résultat!