


- Les ensembles
et
sont-ils équipotents ?
- Les ensembles
et
sont-ils équipotents ?
- Les ensembles
et
sont-ils équipotents ?
- Les ensembles
et
sont-ils équipotents ?
Lorsque les ensembles E et F sont finis, le fait qu’ils soient équipotents équivaut à l’égalité de leurs cardinaux. Cette notion exprime donc de manière précise l’idée que deux ensembles – finis ou non – sont « de même taille ».
Commençons par une simple observation…
1 – Accouplement de deux bijections
Considérons deux ensembles disjoints, deux ensembles
disjoints et supposons l’existence d’une bijection
et d’une bijection
.
Il est alors facile de construire une bijection , en posant :
Pour justifier le caractère bijectif de , le plus simple est de considérer l’application :
et de constater que :
La première égalité montre notamment que est injective, et la seconde que
est surjective.
2 – Une histoire de point fixe
Rappelons pour commencer qu’étant donnés un ensemble et une application
, on appelle point fixe de
tout élément
vérifiant
.
La proposition suivante est un cas particulier d’un résultat connu sous le nom de théorème de Knaster-Tarski. Elle va jouer un rôle-clef dans la preuve que nous verrons du théorème de CBS. Historiquement, ce résultat est apparu en 1928 sous la plume de B. Knaster (1893-1980), mais sous une forme restreinte, puis généralisé en 1955 par A. Tarski (1901-1983).
Proposition
Soit un ensemble et soit
une application croissante au sens de l’inclusion, c’est-à-dire vérifiant :
Alors possède au moins un point fixe.
Cliquer pour voir / masquer la preuve
Notons l’ensemble des parties de
qui contiennent leur image :
Comme , on voit déjà que
. Considérons alors :

Si , alors
, car l’intersection d’une famille
d’ensembles est contenue dans
pour tout
.
Par croissance de , il en résulte que
et donc (vu que
et par transitivité de l’inclusion) :
Comme cette dernière inclusion vaut pour tout
, il s’ensuit que
.
On a déjà établi une première inclusion. Comme est croissante, on en déduit que
, ce qui signifie exactement que
, et ceci entraîne que
.
Il est maintenant prouvé que est un point fixe de
.
Remarque – on aurait pu conclure tout aussi bien en considérant plutôt :
Le détail de cette preuve alternative (mais très similaire) est laissé au lecteur 🙂
3 – Le théorème de Cantor-Bernstein-Schröder
Comme annoncé dans l’introduction, il s’agit du résultat suivant :
Théorème CBS
Soient ,
des ensembles.
On suppose qu’il existe une injection et une injection
.
Dans ces conditions, et
sont équipotents.
Cliquer pour voir / masquer la preuve
Pour lire ce qui suit, vous aurez notamment besoin d’être à l’aise avec les notions d’image directe et d’image réciproque. A toutes fins utiles, je vous signale cet article, qui expose ces notions fondamentales en partant de zéro.
Commençons par observer qu’étant donnée une application , l’application


Considérons alors l’application :
On constate (grâce aux propriétés et
) que
est croissante pour l’inclusion et possède donc (d’après la proposition de la section 2) un point fixe
. On a donc :
c’est-à-dire :
On dispose alors de la bijection
et de la bijection
La notation est valable (bien que
ne soit pas supposée bijective) puisque, d’après
, tout élément de
possède un antécédent par
(antécédent unique, en raison de l’injectivité de
).
Il ne reste alors plus qu’à accoupler et
, comme expliqué à la section 1, pour obtenir une bijection de
vers
.
Corollaire
Il est clair que si ,
et
sont trois ensembles finis tels que
et si de plus
, alors
.
Que reste-t-il de cette affirmation en remplaçant finis par infinis et l’hypothèse d’égalité des cardinaux par celle d’équipotence de et
?
Sous ces hypothèses modifiées, la conclusion ne persiste pas (contre-exemple : et l’application
est bijective, mais les deux inclusions sont strictes !) mais on peut tout de même dire que
,
et
sont équipotents.
En effet, l’inclusion montre l’existence d’une injection
. Il existe, de même, une injection
et donc (vu que
et
sont équipotents par hypothèse) un injection
. On termine en invoquant le théorème CBS.
4 – L’ensemble
des rationnels est dénombrable
Il nous suffit de construire une injection de dans
. Lorsque ce sera fait, il restera à :
- remarquer qu’il existe évidemment une injection en sens inverse (puisque
),
- appliquer le théorème CBS.
On sait que tout nombre rationnel peut s’écrire, de manière unique sous la forme :

est injective, en raison de l’unicité de la décomposition en facteurs premiers d’un entier naturel plus grand que 1, ce qui prouve le résultat annoncé.
Cette démonstration repose sur une astuce arithmétique, que l’on retrouve sous une forme similaire dans une preuve courte de la dénombrabilité de . Les détails sont accessibles en dépliant le paragraphe ci-dessous.
Une preuve courte de la dénombrabilité de
(cliquer pour déplier / replier)
L’application est bijective. En effet :
- Soient
et
deux couples d’entiers naturels tels que
En supposant
, on aurait
, ce qui est absurde puisque le membre de gauche de cette égalité est impair, tandis que son membre de droite est pair. Pour la même raison, l’hypothèse
ne tient pas et donc
. Il s’ensuit que
et finalement que
. Ceci montre que
est injective.
- D’évidence :
. Et si
alors on voit en décomposant
en produit de facteurs premiers qu’il existe
tel que
(il suffit de regrouper les facteurs premiers impairs).
Ainsi, et
sont équipotents. Comme
et
sont équipotents (évident : considérer la bijection
), il s’ensuit que
et
sont équipotents.
Noter qu’il existe d’autres façons d’établir ce résultat. Le dessin ci-dessous doit pouvoir vous inspirer (solution en annexe) :

5 – Equipotence de
et 



6 – Equipotence de
et 
Théorème
Pour cela, nous aurons besoin du :
Lemme
Si est un ensemble infini tel que
, alors
.
Remarque
Ce lemme n’est plus valable si est supposé fini.
En effet, si , alors
donc
.
Pourtant
Signalons, avant de démontrer ce lemme, puis ce théorème, qu’il y a quelque chose de redondant dans l’énoncé de chacun d’eux, à savoir l’hypothèse . On peut en effet prouver que cette condition est vérifiée par tout ensemble infini (cela exige l’usage de l’axiome du choix). Mais nous n’allons pas détailler ce point et nous contenter de ces énoncés.
Preuve du lemme (cliquer pour déplier / replier)
D’une manière générale, et pour tout ensemble , l’application
est injective. En particulier, il existe une injection de
dans
.
Montrons l’existence d’une injection en sens inverse.
Comme est infini (puisque
est infini et que
est injective), alors
. Il en résulte que
. Il suffit donc d’établir l’existence d’une injection
. Or, par hypothèse, il existe une injection
. Considérons l’application :

Soient et
deux couples de parties non vides de
, tels que
. Soient
et
; alors
, donc il existe
tel que
. Vue l’injectivité de
, ceci impose
, d’où en particulier
et
. On a montré que
et
. Pour des raisons évidentes de symétrie, ces inclusions sont en fait des égalités.
On a établi l’existence d’une injection de dans
et d’une injection de
dans
. Il reste à invoquer le théorème CBS pour conclure.
Preuve du théorème (cliquer pour déplier / replier)
Notons 0 et 1 deux éléments distincts de A. L’application :
Par ailleurs, si l’on note le graphe de
, alors l’application
Or (il est en effet facile de voir que si
, alors
), donc il existe une injection
.
A nouveau, le théorème CBS donne la conclusion.
Comme l’indique le titre de cette section, nous souhaitons prouver que et
sont équipotents. D’après le théorème ci-dessus, il suffit d’expliquer pourquoi
et
sont équipotents. Proposons deux points de vue :
1er point de vue
2ème point de vue
Annexe : une preuve géométrique de la dénombrabilité de 
Le dessin doit suggérer qu’on énumère les couples d’entiers naturels par diagonales successives :
- sur la première diagonale, il n’y a que
,
- sur la seconde, on trouve
puis
,
- sur la troisième, on trouve successivement
,
puis
,
- etc …
Sur chaque « diagonale », les couples partagent une propriété commune : la somme des coordonnées est fixe. Par conséquent, le couple générique appartient à la diagonale qui commence par
.
Et ce point est précédè par
, qui termine la diagonale précédente.

Les points ,
,
,
, … portent les numéros d’ordre 0, 1, 2, 3 …
Quel est, dans ces conditions, le numéro d’ordre de ?
Il n’est pas difficile de voir que les diagonales successives comportent un nombre croissant de couples : un couple pour la première, deux pour la suivante, puis trois etc …
Si l’on prend en compte toutes les diagonales depuis la toute première jusqu’à la diagonale précédent celle qui porte le couple , on totalise un nombre de couples égal à :
Il reste à ajouter les couples , …,
, qui sont au nombre de
. Finalement, nous avons deviné la formule qui donne le numéro d’ordre du couple générique
et qui, par là-même, nous donne explicitement une bijection de
vers
:
Il reste à vérifier proprement que cette application est effectivement une bijection (et, cerise sur le gateau, à expliciter sa bijection réciproque), mais cela, je vous le laisse en exercice 🙂
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Excellent travail