
Une fois n’est pas coutume, cet article est considéré comme étant à la fois de niveau lycée et de niveau supérieur. Il comporte en effet des aspects élémentaires (sections 1 à 5) mais aussi un peu de matériel plus avancé (sections 6, 7 et 8).
Après s’être donné deux nombres réels posons pour tout
:



On peut définir la même suite par les relations :
Par exemple, si et
alors les premiers termes de la suite sont :

Si vous n’êtes pas tout à fait à l’aise avec l’utilisation du symbole je vous invite à parcourir au préalable le début de cet article.
1 – Une formule archi-classique
Pour des raisons assez évidentes, il n’est pas restrictif de supposer ce qu’on fera désormais.
Le résultat suivant est fondamental. Il est recommandé de le connaître par cœur :
Proposition
Pour tout nombre réel et pour tout
:
()



Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Par récurrence. La formule annoncée est vraie pour n = 0.
En la supposant vraie pour un certain on constate que :
Précisons que cette formule reste plus généralement valable en choisissant pour un nombre complexe distinct de 1. Cette remarque sera utile pour les calculs menés à la section 7.
Ajoutons encore que si alors un simple passage à la limite nous donne la somme d’une série géométrique convergente :
2 – Petite fable géométrique
On raconte qu’il y a très longtemps, dans un lointain royaume, un roi voulut récompenser l’un de ses sujets, qui s’était vaillamment illustré au champ de bataille. Il le convoqua à la cour et s’adressa à lui en ces termes :
— Fidèle soldat, je suis prêt à te couvrir de richesses, car tu t’es battu avec bravoure. Demande-moi ce que tu voudras et, dans ma toute-puissance, je t’exaucerai.
— Ben euh … majesté … merci. Mais je ne sais pas trop …
— Allons allons ! je suis ton Roi … et tu peux me demander n’importe-quoi.
— Eh bien alors, majesté, si vous insistez …
— Oui ?
— La guerre a rendu ces dernières années bien difficiles et j’aimerais que vous m’aidiez à mettre les miens à l’abri de la famine. Nos réserves de sucre sont épuisées et vous pourriez m’aider à les reconstituer …
— Noble demande que la tienne ! De combien de sucre penses-tu avoir besoin ?
Tu peux demander ce que tu veux à ton Roi.
— Votre altesse est trop bonne. Eh bien, disons que sur un échiquier de 64 cases, vous pourriez dire à vos gens qu’ils déposent un morceau de sucre sur la première case, trois sur la seconde, neuf sur la troisième, vingt-sept sur la suivante, puis quatre-vingt un … et ainsi de suite jusqu’à la dernière case.
— Voilà une requête bien modeste. Rentre chez toi, à présent. Je ferai en sorte que, dès demain matin, mes gardes t’apportent la quantité de sucre que tu réclames.
Evidemment, le roi n’a jamais pu satisfaire cette demande exorbitante.
Il aurait en effet fallu qu’il rassemble morceaux de sucre, avec :

Tous les champs de canne à sucre de la planète n’y suffiraient pas.
Afin de mieux se représenter la chose, imaginons que la surface du globe terrestre soit une sphère bien lisse et qu’on y répartisse uniformément tous ces morceaux de sucre.
🤔 Quelle serait alors l’épaisseur de la couche de sucre recouvrant la terre ?
Allez, faites votre calcul (en considérant qu’un morceau de sucre occupe un volume de 1 et rendez-vous en annexe pour voir si on est d’accord …
3 – Retour sur la formule 
On est parfois conduit, au cours d’un calcul, à simplifier une expression du type :
Il est facile, en mettant en facteur, de se ramener à la formule
En effet :

Certains ont l’habitude de mémoriser cette formule ainsi :
Evidemment, on parvient au même résultat en considérant que :
4 – Lien avec une célèbre identité remarquable
La formule suivante est classique :
Factorisation d’une différence de puissances n-èmes
Etant donnés un entier et un couple
de nombres complexes :
()
Ceci se prouve aisément par récurrence.
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Fixons et montrons que l’assertion :

➡ D’évidence, est vraie. Il s’agit de l’égalité
➡ En supposant vraie pour un certain
on observe que :
En effectuant le changement d’indice

Il est facile de constater que les formules et
se déduisent l’une de l’autre. En effet :
➡ Si l’on dispose de et si
il suffit de choisir
et
pour obtenir
⬅ Réciproquement, si l’on connaît alors étant donnés
tels que
et
on voit que :


Et bien sûr la formule



5 – Aire d’un domaine fractal
Une ligne polygonale est une succession de segments de droites, chaque segment (du premier à l’avant-dernier) ayant pour extrémité l’origine du segment suivant. Les dessins ci-dessous montrent des lignes polygonales notées
etc …
On suppose que est de longueur 1 et l’on se propose de calculer l’aire du domaine
« compris entre
et
» (ci-dessous,
est colorié en bleu).






On devine que la suite converge (encore faudrait-il préciser en quel sens … car il ne s’agit pas d’une suite de nombres réels, mais bien d’une suite de parties de
). L’objet limite est la fractale de Von Koch, ainsi nommée en hommage au célèbre mathématicien suédois.

Notons la longueur de
et
l’aire du domaine
On observe que la ligne polygonale est constituée de quatre copies de
ayant subi chacune une similitude (directe) de rapport
(pour le dire simplement : une réduction au tiers de la taille). Ainsi :
La suite est donc géométrique de raison
Comme
on en déduit que :
Quant au domaine il est l’union de
et de
triangles équilatéraux, chacun étant l’image d’un triangle équilatéral de côté 1 par une similitude de rapport




Attention :
Par une similitude de rapport
les longueurs sont multipliées par
mais les aires sont multipliées par
On a donc, pour tout :


La suite diverge donc vers l’infini tandis que la suite
converge !
La limite de la suite des aires est donnée par :
Cette valeur est un peu inférieure au tiers de l’aire du triangle rectangle isocèle englobant (c’est-à-dire : , ce qui paraît en accord avec la figure ci-dessous :

Noter que l’on pouvait obtenir beaucoup plus vite l’aire du domaine limite, en considérant (cf. figure ci-dessous) qu’il est l’union de (dont l’aire est celle du triangle équilatéral de côté
, représenté en bleu) et de 4 copies en réduction du même domaine limite (représentées en vert) :

Ainsi :
6 – Dérivation d’une somme géométrique
On souhaite trouver une formule explicite pour :
Pour cela, on dispose d’au moins quatre stratégies différentes …
➡ Stratégie 1 : par télescopie
On observe que :

Il est intéressant de noter que pour on obtient après passage à la limite :
Remarque
Cette formule intervient en probabilités, lorsqu’on calcule l’espérance d’une loi géométrique.
En effet, étant donné et une variable aléatoire dont la loi est donnée par :
➡ Stratégie 2 : par dérivation
Tout repose sur le fait que :

➡ Stratégie 3 : par interversion
On observe que :

➡ Stratégie 4 : par équation
L’astuce est la suivante. On écrit artificiellement :

7 – Une somme trigonométrique
Pour tout couple formé d’un entier
et d’un réel
considérons la somme :
Cette expression ne se présente pas sous les traits d’une somme géométrique… mais presque :
Observation-clef
L’expression peut être vue comme la partie
réelle d’une somme géométrique.
Posons en effet :


Si est multiple de
alors
et donc
Supposons maintenant que n’est pas multiple de
Alors
et la formule
s’applique (avec
:
Il est à présent clair que :
Résumons :
L’idée principale qui a mené à cette formule est à retenir : considérer cette somme comme la partie réelle d’une somme géométrique.
Vous pourrez obtenir une formule similaire pour la somme Cette question est abordée à l’exercice n° 4 de cette fiche.
8 – Une famille de séries alternées
Posons pour tout :
Le théorème des séries alternées garantit l’existence des nombres puisque, pour tout
la suite
décroît et converge vers 0.
Dans cette section, nous n’allons pas seulement établir l’existence des . Nous allons surtout en donner une expression intégrale sans RIEN n’avoir à connaître sur les séries numériques.
L’ingrédient principal de ce qui va suivre est, vous vous en doutez, une somme géométrique …
Introduisons une suite d’applications définies sur
par :

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Si l’on prouve que il en résultera la convergence de la série
et la formule :
A titre d’exemple, détaillons les cas particuliers
et
Les deux premiers sont immédiats; on obtient les formules célèbres :
Le troisième est un peu moins classique.
Pour calculer explicitement commençons par décomposer la fraction rationnelle
en éléments simples. On obtient aisément :

Annexe – Une montagne de sucre
Adoptons les notations suivantes :
= le volume d’un morceau de sucre,
= le nombre de morceaux de sucre,
= le rayon de la terre,
= la hauteur de la couche de sucre.
Alors :

Comme est strictement croissante, cette équation possède une unique solution réelle.
Les données numériques sont (en arrondissant légèrement) :
Avec l’aide d’un logiciel adéquat, on obtient :
Il faudrait donc recouvrir la terre d’une couche haute d’environ 67 000 km. Je ne sais pas si vous voyez le truc … Cette altitude est supérieure à dix fois le rayon terrestre. Elle n’est pas très éloignée de l’altitude de l’orbite géostationnaire, soit à peu près 1/6 de la distance terre-lune !!
Le titre de la section 2 a donc été mal choisi. Il aurait fallu opter pour quelque chose comme « une quantité astronomique de sucre ! ».
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.
Bonjour Monsieur,
Merci pour cet article !
Dans la section 8, après « de sorte que » il me semble qu’il manque le signe intégrale devant Sn (et plus bas dans la calcul de bêta, les bornes -1/2 et 1/2 s’affichent mal pour la primitive entre crochets, mais cela est pê du à l’affichage sur smartphone !).
Bien à vous
… et merci de m’avoir signalé ces fautes de frappes. J’ai fait les rectifications nécessaire.