1 – Le principe d’inclusion / exclusion
A présent, passons au cas général …
Théorème 1 (« formule du crible » ou « de Poincaré » ou « principe d’inclusion-exclusion »)
alors :
Remarque 1
et, avec ces notations :
Remarque 2
Revenons à n quelconque.
L’entier est la somme des cardinaux des intersections à des En particulier :
Noter que la somme qui définit comporte termes.
Pour une preuve de la formule du crible, voir plus bas : le corollaire qui suit la preuve du Lemme 3.
2 – Des égalités tronquées qui deviennent inégalités
On va maintenant prouver que si, dans l’égalité , le second membre est « tronqué », c’est-à-dire si l’on n’en conserve que les premiers termes (pour un certain ), alors on obtient une inégalité. Plus précisément :
Théorème 2 (inégalités de Bonferroni)
Si sont des ensembles finis, alors :
Ces inégalités peuvent être formulées en termes de probabilités.
C’est ainsi que le mathématicien italien Carlo Emilio BONFERRONI (1892 – 1960) les publia en 1935, sous une forme appliquée à un problème d’assurance-vie (!), puis en 1936 dans un style plus abstrait.
Le cas particulier est très classique :
Théorème 3 (inégalité de Boole)
Si sont des ensembles finis, alors :
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
On prouve aisément ceci par récurrence.
Pour , il n’y a rien à démontrer. Pour , on sait que :
Supposons maintenant l’inégalité de Boole établie au rang , pour un certain , et soient des ensembles finis. On constate, grâce au cas , que :
On conclut avec l’hypothèse de récurrence.
Pour traiter le cas général (théorème 2), on aura besoin de quelques résultats préliminaires, rassemblés dans la section suivante.
3 – Trois lemmes techniques
Lemme 1
Soient des réels positifs (avec ). On suppose qu’il existe tel que soit croissante et soit décroissante. Si de plus :
alors, pour tout :
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Supposons .
➡ Si est pair, alors en posant :
➡ Si est impair, alors en posant :
Supposons maintenant . On constate que :
et donc, en posant dans cette dernière somme :
ce qui nous ramène au premier cas !
La dernière somme est du signe de , donc est du signe de .
Corollaire (Application du Lemme 1 aux coefficients binomiaux)
Pour donné, la suite finie de terme général (pour ) est d’abord croissante, jusqu’au terme d’indice , puis décroissante.
De plus :
Donc, en appliquant le lemme précédent :
Lemme 2
Alors, pour tout et pour tout :
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
En notant , on voit que :
où désigne l’ensemble des parties de ayant pour cardinal . Donc :
et le résultat en découle puisque .
Lemme 3
Soient des ensembles et un ensemble contenant chacun des .
Alors, la fonction indicatrice de l’union des est donnée par :
Preuve (cliquer pour déplier / replier)
Pour tout :
donc :
Par ailleurs, on connaît la formule de développement d’un polynôme unitaire scindé (ici, à coefficients entiers, mais plus généralement à coefficients dans un anneau commutatif) :
En remplaçant, pour chaque , le coefficient par et en évaluant l’identité polynomiale en 1, on obtient :
d’où le résultat, d’après .
Corollaire
En passant aux cardinaux dans l’égalité établie au lemme 3 (ce qui suppose bien sûr que les ensembles en présence soient tous finis) on obtient la formule du crible.
4 – Où l’on assemble les pièces du puzzle
Nous prouvons maintenant le théorème 2. Pour cela, reprenons les notations du théorème 1 et posons, pour tout :
D’après le lemme 2, en notant toujours et en intervertissant deux sommes :
c’est-à-dire :
Enfin, d’après le lemme 1 et son corollaire, chacune des sommes internes est du signe de , et par conséquent aussi.
5 – Une jolie application d’une inégalité de Bonferroni
Les 30-èmes OIM (Olympiades Internationales de Mathématiques) se sont tenues en Allemagne en 1989. Le 6-ème problème proposé était le suivant :
Une permutation de l’ensemble , où , possède la propriété s’il existe au moins un indice tel que
Prouver que, pour tout le nombre de permutations possédant la propriété est supérieur au nombre de celles qui ne la possèdent pas.
Dans ce contexte, si , on appelle « permutation de l’ensemble » toute liste de longueur constituée exactement des entiers de à mais dans un ordre quelconque. Il est bien connu qu’il existe telles permutations.
Cela dit, notons l’ensemble des permutations de l’ensemble , pour lesquelles et occupent des positions contigües (avec ).
Par exemple, pour , les permutations et appartiennent à puisque et se retrouvent côte à côte; alors que la permutation n’appartient pas à .
Mais revenons au cas général…
Le nombre de permutations de possédant la propriété est :
Le calcul explicite de n’a pas l’air commode, mais en appliquant une inégalité de Bonferroni (théorème 2 avec ), on voit que :
Or d’une part, pour tout :
et, d’autre part, pour tout tel que :
et donc :
Quant au nombre de permutations ne possédant pas la propriété P, il vaut :
et il s’agit de prouver que , autrement dit que .
Or, manifestement :
Et voilà !
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