
On se propose d’établir, par des moyens élémentaires, deux résultats sur les polynômes, qui sont à la fois fondamentaux et d’un usage permanent en calcul algébrique.
Définition
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace f\left(x\right)=\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-d8de4d25372d09514d07994e479518c4_l3.png)
Théorème A
Soit
une fonction polynôme et soit
tel que
. Il existe alors une fonction polynôme
telle que :
![]()
Théorème B
Soit
un entier naturel et soient des réels
et
tels que :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}=\sum_{k=0}^{n}b_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-3a026451fff69635aae75f28f1c8322d_l3.png)
![]()
En pratique, lorsqu’on passe de
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}=\sum_{k=0}^{n}b_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-3a026451fff69635aae75f28f1c8322d_l3.png)
![]()
Le théorème B pourrait donc s’appeler le “ théorème d’identification polynomiale ”. Mais c’est une appellation non officielle : à un niveau plus avancé, on dira plutôt que le théorème B exprime, pour tout
, l’indépendance linéaire de la famille de monômes
.
Si vous êtes pressé(e) de voir comment s’utilisent concrètement ces deux théorèmes, vous pouvez directement passer à la section 5 … Mais l’objet principal de cet article se concentre aux sections 1 à 3, où les théorèmes en question sont établis.
1 – Une identité remarquable
Nous allons prouver qu’étant donnés un entier
et deux réels
quelconques :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\fcolorbox{black}{myBlue}{$\displaystyle{a^{n}-b^{n}=\left(a-b\right)\sum_{k=1}^{n}a^{n-k}b^{k-1}}$}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-f3942c5a2f72d6121123d4a5dd39af22_l3.png)
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\left(\mathcal{A}_{n}\right)\::\qquad\forall\left(a,b\right)\in\mathbb{R}^{2},\:a^{n}-b^{n}=\left(a-b\right)\sum_{k=1}^{n}a^{n-k}b^{k-1}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-9643aa086d5e09c7d4019f8976380223_l3.png)
![]()

On observe que :
![]()
![Rendered by QuickLaTeX.com \[a^{n+1}-b^{n+1}=b^{n}\left(a-b\right)+a\left(a-b\right)\sum_{k=1}^{n}a^{n-k}b^{k-1}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-61d76a5984c26170067c2de558fc2c13_l3.png)
On peut maintenant factoriser par
:
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\begin{matrix}a^{n+1}-b^{n+1} & = & {\displaystyle \left(a-b\right)\left[b^{n}+a\sum_{k=1}^{n}a^{n-k}b^{k-1}\right]}\\&&\\& = & {\displaystyle \left(a-b\right)\left[b^{n}+\sum_{k=1}^{n}a^{n+1-k}b^{k-1}\right]}\\&&\\& = & {\displaystyle \left(a-b\right)\sum_{k=1}^{n+1}a^{n+1-k}b^{k-1}}\end{matrix}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-f9a76fc9101d03589acbb678c007baa2_l3.png)
Pour vous rafraîchir la mémoire au sujet des identités remarquables exigibles au lycée et de leurs principales applications, vous pouvez consulter la vidéo Identités Remarquables.
2 – Preuve du théorème A
Soit
une fonction polynôme. Par définition, il existe
et des réels
tels que :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace P\left(x\right)=\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-5423f4f0d6ef73222a5834dcfaff8c3a_l3.png)
Si
alors
est une fonction constante, qui est fatalement la fonction nulle, ce qui rend triviale la propriété à démontrer (il suffit de prendre pour
la fonction nulle !).
Supposons désormais
On peut écrire, pour tout
:
![Rendered by QuickLaTeX.com \[P\left(x\right)=P\left(x\right)-P\left(\alpha\right)=\sum_{k=0}^{n}a_{k}\left(x^{k}-\alpha^{k}\right)=\sum_{k=1}^{n}a_{k}\left(x^{k}-\alpha^{k}\right)\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-c8083299d42943f230952c4813feea76_l3.png)
![Rendered by QuickLaTeX.com \[P\left(x\right)=\sum_{k=1}^{n}a_{k}\left(x-\alpha\right)Q_{k}\left(x\right)\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-ca336979479608dbe64cc61240e3e079_l3.png)
![Rendered by QuickLaTeX.com \[Q_{k}\left(x\right)=\sum_{j=1}^{k}x^{k-j}\alpha^{j-1}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-2fbd48454be59d8a4c4ec0706ff01010_l3.png)
![]()
![Rendered by QuickLaTeX.com \[Q\left(x\right)=\sum_{k=1}^{n}a_{k}\left(\sum_{j=1}^{k}x^{k-j}\alpha^{j-1}\right)\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-fe885375f68cd82b747016266181404c_l3.png)
3 – Preuve du théorème B
Il s’agit de prouver que l’assertion :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\left(\mathcal{P}_{n}\right)\::\qquad\begin{matrix}\forall\left(a_{0},\cdots,a_{n}\right)\in\mathbb{R}^{n+1},\thinspace\forall\left(b_{0},\cdots,b_{n}\right)\in\mathbb{R}^{n+1},\\\left({\displaystyle \forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}=\sum_{k=0}^{n}b_{k}x^{k}}\right)\Rightarrow\left(\forall k\in\llbracket0,n\rrbracket,\thinspace a_{k}=b_{k}\right)\end{matrix}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-22e177a99d8cdd6dc60a8814a016635e_l3.png)
Par différence, il revient au même de prouver que l’assertion :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\boxed{\left(\mathcal{Q}_{n}\right)\::\qquad\begin{matrix}\forall\left(c_{0},\cdots,c_{n}\right)\in\mathbb{R}^{n+1},\\\left({\displaystyle \forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n}c_{k}x^{k}=0}\right)\Rightarrow\left(\forall k\in\llbracket0,n\rrbracket,\thinspace c_{k}=0\right)\end{matrix}}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-0a254e9a2f09aeda07b1d5a02dcee96e_l3.png)
est vraie d’évidence (si
est nul, alors
est nul… rien de très exaltant !).
Supposons
vraie pour un certain
et soient alors
des réels tels que :
(
) ![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n+1}c_{k}x^{k}=0\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-b769bebed7df9a2d469be28497f24f8c_l3.png)
Par ailleurs, en dérivant chaque membre de
on obtient :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=1}^{n+1}kc_{k}x^{k-1}=0\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-639f2f124b25b097471f42a58c61c567_l3.png)
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{n}\left(k+1\right)c_{k+1}x^{k}=0\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-a1a5fcb627a7d27d4e8e8c45739021a1_l3.png)
Bref, les coefficients
sont tous nuls. CQFD.
4 – Degré d’un polynôme non nul
Soit
une fonction polynôme, qui n’est pas la fonction nulle.
Il existe
et des réels
tels que :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\forall x\in\mathbb{R},\thinspace P\left(x\right)=\sum_{k=0}^{n}a_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-5423f4f0d6ef73222a5834dcfaff8c3a_l3.png)
On peut donc supposer, sans perte de généralité, que
Avec cette petite contrainte, l’entier
est déterminé de manière unique.
En effet, s’il existait deux entiers
et des coefficients
ainsi que
tels que :
![Rendered by QuickLaTeX.com \[m\neq n,\qquad a_{m}\neq0,\qquad b_{n}\neq0\qquad\text{et}\qquad\forall x\in\mathbb{R},\thinspace\sum_{k=0}^{m}a_{k}x^{k}=\sum_{k=0}^{n}b_{k}x^{k}\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-0fe8fe0b556d783a4baf41ec538fc841_l3.png)
Cet entier, qui est donc bien déterminé, s’appelle le degré de
et il est noté ![]()
Définition
est le plus grand exposant présent dans l’expression développée de ![]()
→ Par exemple, si l’on pose :
![]()
Il n’est pas difficile de montrer que si deux fonctions polynômes (non nulles) ont pour degrés respectifs
et
, alors leur produit a pour degré
.
→ Par exemple, si l’on pose :
![]()
5 – Utilisation combinée des deux théorèmes
Considérons le polynôme P défini par :
![]()
Pour cela, commençons par chercher une racine “ évidente ”…
Après quelques tâtonnements (cf. remarque 1 en fin de section), on découvre que :
![]()
(
) ![]()
Il existe donc des réels
(avec
) tels que
pour tout ![]()
La relation
précédente devient :
![]()
![]()
![Rendered by QuickLaTeX.com \[\left\{ \begin{matrix}a & = & 1\\b-2a & = & -5\\c-2b & = & 2\\-2c & = & 8\end{matrix}\right.\]](https://math-os.com/wp-content/ql-cache/quicklatex.com-cb475ca37a505de1ffb31eac107163c6_l3.png)
![]()
On est ainsi parvenu à la formule :
![]()
Tant qu’à faire, allons jusqu’au bout du processus de factorisation !
Le trinôme
ayant pour discriminant
ses racines sont :
![]()
On peut finalement conclure que :
![]()
Remarque 1
On peut éviter les tâtonnements en utilisant le “ test des racines rationnelles ”, qui est présenté dans l’article Comment factoriser un polynôme ?
Remarque 2
On pouvait accélérer un peu le calcul ci-dessus en donnant d’emblée les valeurs des coefficients
et
. D’une manière un peu plus générale, lorsqu’on détecte une racine
pour le polynôme
deux coefficients de
sont accessibles sans calcul : le coefficient de plus haut degré et le coefficient constant.
Remarque 3
La technique d’identification présentée ici demeure assez rudimentaire. Il est, en pratique, plus efficace de poser la division euclidienne de
par
, ou d’appliquer un schéma de Horner, mais ceci fera l’objet d’un autre article 🙂
Vos questions ou remarques sont les bienvenues. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou bien passer par le formulaire de contact.

Il me semblait que Q1 avec cette formule donnait une somme allant de 1 à 1… ! Ah ben oui au temps pour moi 😊
Je m’étais mis en tête que cela donnait la somme sur l’ensemble vide donc 0, mais la somme se réduit à un terme. Je ne dois pas pratiquer assez et surtout j’ai omis de prendre feuille et stylo !
Merci à vous, bonne soirée 🙂
Bonjour Monsieur,
Merci pour cet article 🙂
Il me semble qu’il faut poser Q1=1 et définir les Qk à partir de k=2 dans la section 2.
Bien à vous.
La formule proposée pour
, à savoir
donne en particulier
, donc tout va bien 🙂
Bonjour Monsieur,
Merci pour ces rappels 🙂
Pour les polynômes Qk de la section 2, il me semble qu’ils peuvent rester inchangés pour k entre 2 et n. En revanche, l’identité de la section précédente étant valide et démontrée à partir du rang 2, il me semble qu’il faudrait poser Q1(x)=x-a.
Bien à vous
Je pense qu’il n’y a en fait aucun problème puisque, certes, la formule de factorisation établie à la section 1 l’a été à partir de
, mais elle est néanmoins bien valide (et triviale !) pour
.