Lettre R
RACINE CARRÉE
Etant donné un nombre réel , on peut montrer que l’équation d’inconnue possède deux solutions opposées (confondues si ).
Celle qui est positive est la racine carrée de ; on la note ou .
Si , il n’existe aucune solution réelle à l’équation .
Par exemple :
L’application est la bijection réciproque de .
Proposition
Pour tout :
où désigne la valeur absolue de .
Exemple
On peut montrer que si n’est pas le carré d’un entier, alors .
Dans le corps , tout possède deux racines carrées opposées et l’usage du symbole est proscrit (ou, tout au moins, pas recommandé à un niveau élémentaire, en raison de son ambiguïté : en l’absence de relation d’ordre dans , on ne peut pas distinguer de solution « positive » parmi les deux solutions complexes de l’équation … ).
D’une manière générale, si est un anneau et si , les racines carrées dans de sont les (éventuelles) solutions de l’équation , d’inconnue .
Dans l’anneau des matrices carrées réelles de taille , certains éléments ne possèdent aucune racine carrée, d’autres en possède un nombre fini, d’autres encore en possèdent une infinité.
Dans le corps (pour premier impair), il existe éléments possédant une racine carrée et éléments n’en possédant pas.
RÉCIPROQUE (bijection)
Théorème et définition
Soient deux ensembles non vides.
Si est une bijection, on note l’application de vers qui, à chaque élément de , associe son unique antécédent par
est une bijection, appelée bijection réciproque (ou simplement : réciproque) de
C’est l’unique application vérifiant et
Exemple 1
L’application
est bijective et sa réciproque est :
Exemple 2
L’application
est bijective et sa réciproque est :
Exemple 3
L’application
est bijective, mais on ne dispose d’aucune formule pour expliciter sa réciproque au moyen des fonctions usuelles.
Revenons un instants aux généralités.
Proposition : réciproque d’une composée
Si sont trois ensembles non vides et si et sont des bijections, alors est une bijection et :
Signalons un point de vue géométrique.
Proposition : graphe d’une réciproque
Etant données deux parties de et une bijection chacun des graphes de et de est l’image directe de l’autre par la réflexion d’axe où désigne la première bissectrice (la droite de d’équation
C’est ainsi que les graphes de et de sont symétriques par rapport à Même chose pour les graphes de et de
Exemple 4
Si est un ensemble et si notons le complémentaire de dans L’application
est une bijection qui coïncide avec sa réciproque.
Il s’agit d’un cas particulier d’involution. Les involutions d’un ensemble non vide sont les applications vérifiant
Certaines fonctions usuelles sont définies comme des bijections réciproques. C’est notamment le cas de arcsin, arccos, arctan ou encore argsh, argch, argth. Un autre exemple célèbre est celui des fonctions elliptiques de Jacobi :
Exemple 5
étant fixé, l’application
est une bijection. Sa réciproque est l’amplitude de
Jacobi à partir de laquelle sont définies les fonctions elliptiques et (respectivement : sinus, cosinus et delta de Jacobi) en posant pour tout :
Terminons avec quelques propriétés importantes d’une bijection réciproque (sans aucune prétention d’exhaustivité) :
Propriétés d’une réciproque
Soient deux intervalles non triviaux et soit une bijection.
- Si est strictement monotone, alors aussi et les sens de variation sont les mêmes.
- Si est impaire, alors aussi (les intervalles I et J sont en outre supposés symétriques par rapport à 0).
- Si est continue, alors aussi.
- Si est dérivable et si ne s’annule pas, alors est dérivable et :
- Si est de classe (avec et si ne s’annule pas, alors est aussi de classe
RÉEL (nombre)
De façon naïve, les nombres réels sont tous les nombres que l’on peut associer à un point d’une droite après avoir choisi un repère normé pour celle-ci. En clair : on commence par choisir deux points de l’un est associé à 0 et l’autre à 1. Après cela, une correspondance bijective est établie entre et : chaque point est associé à un nombre réel bien déterminé et réciproquement. L’illustration ci-dessous donne une idée de cette correspondance :
On peut aussi se représenter un nombre réel par son développement décimal illimité :
Mais il faut bien reconnaître que cette écriture, avec ses points de suspension, manque cruellement de rigueur. Pour une construction sérieuse de voir plus bas.
Brève énumération de quelques sous-ensembles importants de :
- l’ensemble des entiers naturels : 0, 1, 2, 3, etc …
- l’ensemble des entiers relatifs : …, -3, -2, -1, 0, 1, 2, 3, …
- l’ensemble des nombres décimaux : ce sont les pour et
- l’ensemble des nombres rationnels, c’est-à-dire de la forme avec et
- l’ensemble des nombres irrationnels : tous les réels … qui ne sont pas rationnels ! et beaucoup, beaucoup d’autres …
- l’ensemble des nombres algébriques : ce sont les solutions d’équations de la forme avec un polynôme de degré à coefficients entiers.
Ces ensembles, à l’exception de sont dotés d’une structure algébrique ( et sont des anneaux, et sont des corps).
Schéma d’une construction du corps des nombres réels
En supposant connu le corps des rationnels, on peut construire un corps totalement ordonné, archimédien et complet admettant un sous-corps isomorphe à En outre, un tel corps est unique à isomorphisme (de corps) près.
Voici, dans les grandes lignes, le plan d’une telle construction : on quotiente l’anneau des suites de Cauchy de rationnels par l’idéal constitué des suites de limite nulle. Comme cet idéal est maximal, le quotient est un corps, que l’on note En associant à tout rationnel la classe de la suite constante qu’il définit, on établit un morphisme injectif de corps, qui permet d’identifier à un sous-corps de Il reste à prouver le caractère archimédien et la complétude de
Cette construction, attribuée à Charles Meray ainsi qu’à Georg Cantor n’est qu’une parmi d’autres. Le mathématicien allemand Richard Dedekind en a proposé une autre, reposant sur la notion de coupures de rationnels.
RIEMANN (série de)
Les séries de la forme (pour sont appelées séries de Riemann.
On montre qu’une telle série converge si, et seulement si, Sa somme est la fonction zeta de Riemann :
Pour il s’agit de la célèbre série harmonique.
Euler a découvert la formule explicite suivante :
où les sont les nombres de Bernoulli, qui apparaissent dans le développement en série entière de la fonction
Par exemple :
En revanche, très peu de choses sont connues sur les valeurs de aux entiers impairs plus grands que 1. On doit au mathématicien français Roger Apéry la preuve de l’irrationalité de (preuve publiée en 1978).
Euler a aussi découvert l’identité fondamentale suivante :
le produit étant indexé par l’ensemble des nombres premiers. Ce développement (dit « en produit eulérien ») laissait déjà entrevoir une connection étroite entre les propriétés de et la répartition des nombres premiers.
Mais c’est à Riemann que l’on doit d’avoir eu l’idée d’étudier la fonction dans le champ complexe. Il a prouvé que se prolonge en une fonction holomorphe sur Ce nouveau cadre a permis, dès la fin du XIXème siècle, à Hadamard et de la Vallée Poussin de démontrer (indépendamment) le théorème des nombres premiers, selon lequel le nombre, noté , de nombres premiers inférieurs à croît comme .
Riemann a aussi formulé une célèbre hypothèse (non démontrée à ce jour) et qui porte son nom. Cette hypothèse affirme que les seuls zéros non triviaux (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas des entiers pairs strictement négatifs) du prolongement de sont situés sur la droite d’équation L’illustration ci-dessous montre une portion du graphe de :
On y voit les 13 premiers zéros de partie réelle et de partie imaginaire strictement positive :
ROLLE (Lemme de)
Lemme de ROLLE
Soient deux réels tels que et soit continue. Si de plus est dérivable sur et si alors :
Si est constante, le résultat est évident. Et sinon, on observe que atteint l’une au moins de ses deux bornes en un point intérieur au segment Si par exemple alors le taux d’accroissement :
dont on sait qu’il tend vers lorsque tend vers est :
- positif ou nul lorsque
- négatif ou nul lorsque
ce qui entraîne La situation est analogue si
Le lemme de Rolle admet, parmi ses corollaires, la célèbre …
Formule des accroissements finis
Soient deux réels tels que et soit continue. Si de plus est dérivable sur alors :
Il suffit d’appliquer le lemme de Rolle à :
où est choisi de telle sorte qu’on ait :
Cette formule s’interprète géométriquement : il existe un point du graphe de en lequel la tangente est parallèle à la droite joignant les points du graphe d’abscisses et .
Parmi les principales applications de cette formule, on peut citer :
Proposition
Soit un intervalle non trivial et soit une application dérivable. Si
alors est croissante.
Cette implication est à la base de la méthode usuelle d’étude des variations des fonctions numériques. Signalons que sa réciproque est vraie (mais moins intéressante).